Stress post-traumatique ?
Posté : sam. 25 oct. 2014 21:55
Je sais que je ne viens pas souvent, voire quasiment jamais. Je sais que je ne suis pas fiable, que je ne suis pas investie, toussa. Mais je ne veux pas parler de ça sur AM-entraide, et je ne peux pas en parler IRL, alors je me tourne vers Vital, même si au final je ne me sens pas véritablement le droit de le faire. As usual.
J'ai peur. Tout le temps. Vraiment peur, et vraiment quasiment tout le temps. De ce genre de peur irrationnelle qui prend au bide et ne s'en va pas, malgré que ma raison tente de lutter contre.
Je ne sais même pas à quoi c'est du exactement. Aux suicides ? Aux agressions ? A l'accident ? Au secourisme ?
Je pense un peu des quatre. Je ne vous ai pas raconté grand chose de ma vie depuis longtemps, exception faite de Meth et Mel que je vois IRL.
Pas besoin de reprendre l'historique jusqu'aux suicides d'il y a maintenant deux ans, je pense que tout le monde s'en souvient. Mais c'est à ce moment là que ça a commencé.
Ça a commencé un 10 septembre, au matin, quand j'ai ouvert Facebook avant d'aller à ma pré-rentrée à la fac. Ça a commencé quand j'ai vu l'annonce de la mort d'une de mes amies de longue date, que je devais retrouver plus tard dans la journée si elle ne s'était pas butée.
Ça a continué avec son enterrement. Puis avec Cindy, puis avec Julie. Passons. C'est douloureux pour tout le monde à cette époque de l'année.
Oui, ces événements là m'ont traumatisée. D'une certaine façon. Mais ce qui provoque mon état actuel, ça remonte à avril dernier. Entre ce moment là et aujourd'hui, il s'est passé beaucoup de choses. J'ai du mal à en parler car j'ai tout refoulé, et maintenant que ça remonte, je ne sais plus comment en parler.
En avril, alors que j'allais bosser pour mon dernier week end en boite de nuit, je suis tombé à l'arrêt de tram sur un homme d'une quarantaine d'année couvert de sang. Secouriste que je suis, je suis intervenue. Il s'est avéré que cet homme s'était fait agressé, il avait été attaqué au couteau et avait des plaies au niveau du thorax, sur le crâne et un trou dans le front (un vrai bon gros trou qui pissait le sang). Il était au départ réfractaire au contact, mais au bout d'un moment à parler avec lui, j'ai pu approfondir mon bilan (détresse neurologique, détresse respiratoire, détresse circulatoire, donc état grave et très préoccupant), et l'amener à accepter d'appeler les secours.
3 pompiers sont venus. Et ont fait de la merde (je reprécise : agression, état de choc, détresse neurologique, trois hommes en tenue qui vienne lui gueuler dessus, le mec a voulu partir, rentrer chez lui, se mettre en sécurité). Ils l'ont laissé partir sans plus de cérémonies, malgré mes avertissements.
Je pense qu'il doit être mort, en tout cas c'est le scénario le plus probable.
Je pense que les pompiers ont commis une faute grave, voire plusieurs, même.
Mais sur le coup, on m'a convaincue du contraire, alors je n'ai rien fait. Alors que j'en avais l'intuition. Je culpabilise, aujourd'hui. Je m'en veux, et ne pas savoir me hante.
Je sais que raconté comme ça, ça ne doit pas vraiment retransmettre le traumatisme que cette nuit là a provoqué chez moi. J'arrive pas à détailler plus, même si tous les détails sont ancrés dans ma tête comme si ça s'était passé hier. C'est juste trop difficile de rentrer plus dans les détails.
Globalement, le secourisme m'enrichit énormément. Mis cette intervention là, seule et sans matériel, méprisée par les pompiers car j'étais une fille un samedi soir à 23h habillée en jupe courte + talons et qui essayait de leur faire comprendre quelque chose. Cette intervention qui a mal tournée, qui me laisse emplit de rancune, de détresse et de culpabilité. Celle-ci, je la vis mal, encore aujourd'hui.
Puis il y a eu mon frère. Fin mai, il s'est fait agressé pour un paquet de clope, à 10 minutes à pied de chez moi, alors qu'il rentrait un soir. Rien de grave, des bleus et des courbatures pour lui, et une peur intense et tenace pour moi.
En juillet, à une centaine de mètre de chez moi, une voiture l'a percuté alors qu'il marchait tranquillement sur le trottoir, puis a pris la fuite. Il m'a immédiatement appelée, et je crois que je me souviendrais toujours de la peur que j'ai ressenti en l'entendant me dire qu'il s'était fait renverser au rond point d'à côté, qu'il souffrait, qu'il fallait que je vienne vite. Je n'avais jamais eu aussi peur de ma vie, jusque là. Une nuit aux urgences plus tard, il s'est avéré qu'il n'avait pas grand chose, en dehors d'un gros hématome, et du choc psychologique.
Et en août. En août j'ai eu droit à un combo.
Au début du mois, j'ai eu la bonne idée d'aller boire avec Meth et Mel (+ une autre personne). Vers les 4h du matin, Meth et moi avons décidé d'aller chercher à manger dans le centre-ville. Inutile de préciser que nous étions bourrés, j'imagine. Évidemment, en sortant de la boulangerie, on m'insulte. "Sale pute", "viens là que j'te baise", etc.
J'ai réagi : comme d'habitude quand je suis bourrée, je riposte (tous mes proches en sont témoins, quand j'ai bu vaut mieux pas m'emmerder car ça finit soit avec les flics, soit aux urgences, soit en pleurs ou en crise d'angoisse au téléphone avec Caramel). J'ai répliqué, puis comme ça continuait j'ai frappé. Il était seul au départ, je lui ai foutu un de ces coup de poing, vu la tête qu'il a faite il était choqué qu'une nana ose ne pas se laisser faire. Je précise malgré tout que je ne suis pas fière d'avoir frappé un gosse, malgré les insultes.
De toute manière, cet instant de semi-gloire n'a pas duré car toute sa bande a débarquée.
Au final, cette fois-ci, j'ai perdu. Ça ne m'étais jamais arrivé. Je me sentais invincible, jusque là, simplement car moi je ne me laissais pas faire, moi je n'avais pas peur. Blablabla. Au final, le nombre l'emporte toujours. Je n'ai pas vraiment cru que j'allais mourir, j'étais un peu dans le vague. Je sentais les coups, je sentais le sang sur mon visage, le goût du cuivre dans ma bouche, j'entendais les cris, j'ai senti le choc contre la grille en fer, puis sa froideur. Je ne pensais qu'à répliquer. Faire mal, faire souffrir, encore un peu, même si ça voulait dire prendre un autre coup. Je me suis fais peur cette nuit là. Autant dans les actes que dans ce qui m'animait intérieurement. L'envie de faire souffrir et de souffrir aussi.
Le goût de la victoire à voir le sang sur mes mains.
C'était intense, j'ai aimé ça. Et en parallèle je me suis tellement dégoûtée...
Comment est-ce qu'on peut vouloir devenir soignant quand on aime autant la sensation de frapper quelqu'un ? Comment est-ce que je peux avoir autant aimé être agressé ? Je me suis sentie monstrueuse, et ça m'arrive encore aujourd'hui. C'est comme une perversion.
J'aime avoir mal, parce que c'est ce que je connais de plus intense. Ça me donne des raisons d'aller mal, ça me donne le droit d'avoir mal. Et ça me fait ressentir. La vie, la mort, le risque.
Bref.
Fin août, il y a eu l'accident. Je revenais d’Écosse avec mon copain, en voiture. Sur l'autoroute, pas très loin de Londres, alors qu'on venait de repartir après une pause et que je regardais la carte cherchant la sortie où on devait sortir, j'ai été tirée de mes recherches par un choc violent. La voiture a fait un demi-tour complet, alors qu'on roulait à 110km/h. Je ne savais pas ce qu'il se passait vu que l'instant d'avant je regardais la carte. Je me rappelle avoir crié un truc du genre "qu'est-ce qu'il se passe ?". Puis j'ai vu. J'ai vu le semi-remorque en face de nous, nous foncer dessus. Et pendant une seconde, j'ai vraiment cru que c'était fini. Puis les chocs, encore. On a fait trois ou quatre tonneaux. J'ai senti une douleur intense dans mon cou. Je ne voyais plus rien, je ressentais juste la violence des chocs dans tout mon corps, et la certitude intense que cette fois, j'allais bel et bien y rester. Puis tout d'un coup, ça s'est arrêté. J'ai tourné la tête, j'ai vu mon copain les yeux fermés. J'ai paniqué, j'ai cru que j'étais la seule de nous deux encore vivante. Heureusement non, il a ouvert les yeux, mais la peur m'est encore palpable.
La voiture était retombée sur le côté, avec le côté conducteur contre le sol. Moi, j'étais suspendue uniquement par la ceinture de sécurité. De là où j'étais je ne voyais rien, je ne savais pas où on était, si on était sur les voies ou sur la bande d'arrêt d'urgence. J'ai essayé d'ouvrir la porte, mais évidemment ça ne fonctionnait pas. Mon copain m'a dit qu'on était sur la bande d'arrêt d'urgence. Alors je me suis concentré sur mes notions secouristes. Ma tête me faisait mal, ma nuque aussi, le côté droit de mon cou me brûlait atrocement, mon corps n'était retenu que par la ceinture, qui me faisait un mal de chien. Je ne pouvais pas bouger à cause de ma nuque. J'avais peur que les cervicales aient été atteintes.
On a mis une heure à être désincarcérés par les pompiers. Cette heure est sans doute une des pires heures que j'ai vécu.
Puis on a été amenés aux urgences. Je passe sur la fin du voyage, en dehors d'un torticolis massif, de quelques ecchymoses et de quelques douleurs, rien de grave, pour aucun de nous. Si ce n'est le traumatisme psychologique, en tout cas pour ma part.
Cet accident de voiture, en tout et pour tout a du durer une poignée de secondes, une minute tout au plus. Et pourtant, j'en garde un souvenir très net. A la fois du déroulé que de mes sensations. Je ne me suis pas vraiment détachée de la peur que j'ai éprouvé à ce moment là. Quand je ferme les yeux, je visualise souvent le camion nous fonçant dessus, je vois ce camion et je revis à l'infini cette certitude absolue en le voyant que nous allons mourir, que c'est la fin cette fois.
Tout ces événements font que j'ai peur. Tout le temps. Je fais des crises d'angoisse en voiture, que j'essaye tant bien que mal de dissimuler. J'ai peur dès que je sors de chez moi. De me faire agresser, de mourir, de me faire renverser, de tomber sur une victime de quelque chose et de devoir intervenir et j'en passe. J'ai peur de chaque son qui me surprend, je regarde souvent par dessus mon épaule quand je rentre chez moi.
Je fais des cauchemars, soit qui me font revivre l'accident, soit où je souffre voire je meurs, ou alors ce sont des proches.
Tout passe maintenant par ces prismes. Je suis parfois terrorisée à l'idée de traverser une route. Je préfère marcher 20 minutes que prendre un bus pendant 5. A chaque fois que mon téléphone sonne ou vibre, j'ai peur que ce soit pour m'annoncer un décès ou un accident. Quand je ne vois pas ma mère rentrer, je me dis qu'il lui est arrivé quelque chose. Je passe en revue tous mes proches en me demandant "s'il lui arrive quelque chose de grave, est-ce ses parents / ses amis parviendront à me contacter ?". Je suis parfois tellement convaincue que je vais mourir quand je suis dans une voiture que je me mets à prier intérieurement. Wow quoi, j'ai jamais prié, moi !
Je ne sais plus quoi faire. J'essaye de me raisonner, de ne plus y penser, de relativiser. Mais j'ai peur, tout le temps, de tout, de tout le monde et pour tout le monde.
Je ne sais juste plus quoi faire.
Je vis quand même, hein. Mais ça me suit partout, et j'en peux plus d'être terrorisée la moitié du temps.
Désolée.
J'ai peur. Tout le temps. Vraiment peur, et vraiment quasiment tout le temps. De ce genre de peur irrationnelle qui prend au bide et ne s'en va pas, malgré que ma raison tente de lutter contre.
Je ne sais même pas à quoi c'est du exactement. Aux suicides ? Aux agressions ? A l'accident ? Au secourisme ?
Je pense un peu des quatre. Je ne vous ai pas raconté grand chose de ma vie depuis longtemps, exception faite de Meth et Mel que je vois IRL.
Pas besoin de reprendre l'historique jusqu'aux suicides d'il y a maintenant deux ans, je pense que tout le monde s'en souvient. Mais c'est à ce moment là que ça a commencé.
Ça a commencé un 10 septembre, au matin, quand j'ai ouvert Facebook avant d'aller à ma pré-rentrée à la fac. Ça a commencé quand j'ai vu l'annonce de la mort d'une de mes amies de longue date, que je devais retrouver plus tard dans la journée si elle ne s'était pas butée.
Ça a continué avec son enterrement. Puis avec Cindy, puis avec Julie. Passons. C'est douloureux pour tout le monde à cette époque de l'année.
Oui, ces événements là m'ont traumatisée. D'une certaine façon. Mais ce qui provoque mon état actuel, ça remonte à avril dernier. Entre ce moment là et aujourd'hui, il s'est passé beaucoup de choses. J'ai du mal à en parler car j'ai tout refoulé, et maintenant que ça remonte, je ne sais plus comment en parler.
En avril, alors que j'allais bosser pour mon dernier week end en boite de nuit, je suis tombé à l'arrêt de tram sur un homme d'une quarantaine d'année couvert de sang. Secouriste que je suis, je suis intervenue. Il s'est avéré que cet homme s'était fait agressé, il avait été attaqué au couteau et avait des plaies au niveau du thorax, sur le crâne et un trou dans le front (un vrai bon gros trou qui pissait le sang). Il était au départ réfractaire au contact, mais au bout d'un moment à parler avec lui, j'ai pu approfondir mon bilan (détresse neurologique, détresse respiratoire, détresse circulatoire, donc état grave et très préoccupant), et l'amener à accepter d'appeler les secours.
3 pompiers sont venus. Et ont fait de la merde (je reprécise : agression, état de choc, détresse neurologique, trois hommes en tenue qui vienne lui gueuler dessus, le mec a voulu partir, rentrer chez lui, se mettre en sécurité). Ils l'ont laissé partir sans plus de cérémonies, malgré mes avertissements.
Je pense qu'il doit être mort, en tout cas c'est le scénario le plus probable.
Je pense que les pompiers ont commis une faute grave, voire plusieurs, même.
Mais sur le coup, on m'a convaincue du contraire, alors je n'ai rien fait. Alors que j'en avais l'intuition. Je culpabilise, aujourd'hui. Je m'en veux, et ne pas savoir me hante.
Je sais que raconté comme ça, ça ne doit pas vraiment retransmettre le traumatisme que cette nuit là a provoqué chez moi. J'arrive pas à détailler plus, même si tous les détails sont ancrés dans ma tête comme si ça s'était passé hier. C'est juste trop difficile de rentrer plus dans les détails.
Globalement, le secourisme m'enrichit énormément. Mis cette intervention là, seule et sans matériel, méprisée par les pompiers car j'étais une fille un samedi soir à 23h habillée en jupe courte + talons et qui essayait de leur faire comprendre quelque chose. Cette intervention qui a mal tournée, qui me laisse emplit de rancune, de détresse et de culpabilité. Celle-ci, je la vis mal, encore aujourd'hui.
Puis il y a eu mon frère. Fin mai, il s'est fait agressé pour un paquet de clope, à 10 minutes à pied de chez moi, alors qu'il rentrait un soir. Rien de grave, des bleus et des courbatures pour lui, et une peur intense et tenace pour moi.
En juillet, à une centaine de mètre de chez moi, une voiture l'a percuté alors qu'il marchait tranquillement sur le trottoir, puis a pris la fuite. Il m'a immédiatement appelée, et je crois que je me souviendrais toujours de la peur que j'ai ressenti en l'entendant me dire qu'il s'était fait renverser au rond point d'à côté, qu'il souffrait, qu'il fallait que je vienne vite. Je n'avais jamais eu aussi peur de ma vie, jusque là. Une nuit aux urgences plus tard, il s'est avéré qu'il n'avait pas grand chose, en dehors d'un gros hématome, et du choc psychologique.
Et en août. En août j'ai eu droit à un combo.
Au début du mois, j'ai eu la bonne idée d'aller boire avec Meth et Mel (+ une autre personne). Vers les 4h du matin, Meth et moi avons décidé d'aller chercher à manger dans le centre-ville. Inutile de préciser que nous étions bourrés, j'imagine. Évidemment, en sortant de la boulangerie, on m'insulte. "Sale pute", "viens là que j'te baise", etc.
J'ai réagi : comme d'habitude quand je suis bourrée, je riposte (tous mes proches en sont témoins, quand j'ai bu vaut mieux pas m'emmerder car ça finit soit avec les flics, soit aux urgences, soit en pleurs ou en crise d'angoisse au téléphone avec Caramel). J'ai répliqué, puis comme ça continuait j'ai frappé. Il était seul au départ, je lui ai foutu un de ces coup de poing, vu la tête qu'il a faite il était choqué qu'une nana ose ne pas se laisser faire. Je précise malgré tout que je ne suis pas fière d'avoir frappé un gosse, malgré les insultes.
De toute manière, cet instant de semi-gloire n'a pas duré car toute sa bande a débarquée.
Au final, cette fois-ci, j'ai perdu. Ça ne m'étais jamais arrivé. Je me sentais invincible, jusque là, simplement car moi je ne me laissais pas faire, moi je n'avais pas peur. Blablabla. Au final, le nombre l'emporte toujours. Je n'ai pas vraiment cru que j'allais mourir, j'étais un peu dans le vague. Je sentais les coups, je sentais le sang sur mon visage, le goût du cuivre dans ma bouche, j'entendais les cris, j'ai senti le choc contre la grille en fer, puis sa froideur. Je ne pensais qu'à répliquer. Faire mal, faire souffrir, encore un peu, même si ça voulait dire prendre un autre coup. Je me suis fais peur cette nuit là. Autant dans les actes que dans ce qui m'animait intérieurement. L'envie de faire souffrir et de souffrir aussi.
Le goût de la victoire à voir le sang sur mes mains.
C'était intense, j'ai aimé ça. Et en parallèle je me suis tellement dégoûtée...
Comment est-ce qu'on peut vouloir devenir soignant quand on aime autant la sensation de frapper quelqu'un ? Comment est-ce que je peux avoir autant aimé être agressé ? Je me suis sentie monstrueuse, et ça m'arrive encore aujourd'hui. C'est comme une perversion.
J'aime avoir mal, parce que c'est ce que je connais de plus intense. Ça me donne des raisons d'aller mal, ça me donne le droit d'avoir mal. Et ça me fait ressentir. La vie, la mort, le risque.
Bref.
Fin août, il y a eu l'accident. Je revenais d’Écosse avec mon copain, en voiture. Sur l'autoroute, pas très loin de Londres, alors qu'on venait de repartir après une pause et que je regardais la carte cherchant la sortie où on devait sortir, j'ai été tirée de mes recherches par un choc violent. La voiture a fait un demi-tour complet, alors qu'on roulait à 110km/h. Je ne savais pas ce qu'il se passait vu que l'instant d'avant je regardais la carte. Je me rappelle avoir crié un truc du genre "qu'est-ce qu'il se passe ?". Puis j'ai vu. J'ai vu le semi-remorque en face de nous, nous foncer dessus. Et pendant une seconde, j'ai vraiment cru que c'était fini. Puis les chocs, encore. On a fait trois ou quatre tonneaux. J'ai senti une douleur intense dans mon cou. Je ne voyais plus rien, je ressentais juste la violence des chocs dans tout mon corps, et la certitude intense que cette fois, j'allais bel et bien y rester. Puis tout d'un coup, ça s'est arrêté. J'ai tourné la tête, j'ai vu mon copain les yeux fermés. J'ai paniqué, j'ai cru que j'étais la seule de nous deux encore vivante. Heureusement non, il a ouvert les yeux, mais la peur m'est encore palpable.
La voiture était retombée sur le côté, avec le côté conducteur contre le sol. Moi, j'étais suspendue uniquement par la ceinture de sécurité. De là où j'étais je ne voyais rien, je ne savais pas où on était, si on était sur les voies ou sur la bande d'arrêt d'urgence. J'ai essayé d'ouvrir la porte, mais évidemment ça ne fonctionnait pas. Mon copain m'a dit qu'on était sur la bande d'arrêt d'urgence. Alors je me suis concentré sur mes notions secouristes. Ma tête me faisait mal, ma nuque aussi, le côté droit de mon cou me brûlait atrocement, mon corps n'était retenu que par la ceinture, qui me faisait un mal de chien. Je ne pouvais pas bouger à cause de ma nuque. J'avais peur que les cervicales aient été atteintes.
On a mis une heure à être désincarcérés par les pompiers. Cette heure est sans doute une des pires heures que j'ai vécu.
Puis on a été amenés aux urgences. Je passe sur la fin du voyage, en dehors d'un torticolis massif, de quelques ecchymoses et de quelques douleurs, rien de grave, pour aucun de nous. Si ce n'est le traumatisme psychologique, en tout cas pour ma part.
Cet accident de voiture, en tout et pour tout a du durer une poignée de secondes, une minute tout au plus. Et pourtant, j'en garde un souvenir très net. A la fois du déroulé que de mes sensations. Je ne me suis pas vraiment détachée de la peur que j'ai éprouvé à ce moment là. Quand je ferme les yeux, je visualise souvent le camion nous fonçant dessus, je vois ce camion et je revis à l'infini cette certitude absolue en le voyant que nous allons mourir, que c'est la fin cette fois.
Tout ces événements font que j'ai peur. Tout le temps. Je fais des crises d'angoisse en voiture, que j'essaye tant bien que mal de dissimuler. J'ai peur dès que je sors de chez moi. De me faire agresser, de mourir, de me faire renverser, de tomber sur une victime de quelque chose et de devoir intervenir et j'en passe. J'ai peur de chaque son qui me surprend, je regarde souvent par dessus mon épaule quand je rentre chez moi.
Je fais des cauchemars, soit qui me font revivre l'accident, soit où je souffre voire je meurs, ou alors ce sont des proches.
Tout passe maintenant par ces prismes. Je suis parfois terrorisée à l'idée de traverser une route. Je préfère marcher 20 minutes que prendre un bus pendant 5. A chaque fois que mon téléphone sonne ou vibre, j'ai peur que ce soit pour m'annoncer un décès ou un accident. Quand je ne vois pas ma mère rentrer, je me dis qu'il lui est arrivé quelque chose. Je passe en revue tous mes proches en me demandant "s'il lui arrive quelque chose de grave, est-ce ses parents / ses amis parviendront à me contacter ?". Je suis parfois tellement convaincue que je vais mourir quand je suis dans une voiture que je me mets à prier intérieurement. Wow quoi, j'ai jamais prié, moi !
Je ne sais plus quoi faire. J'essaye de me raisonner, de ne plus y penser, de relativiser. Mais j'ai peur, tout le temps, de tout, de tout le monde et pour tout le monde.
Je ne sais juste plus quoi faire.
Je vis quand même, hein. Mais ça me suit partout, et j'en peux plus d'être terrorisée la moitié du temps.
Désolée.