Les clichés qui me hérissent sur le viol

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Caramel2
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Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par Caramel2 »

Bon. Histoire de ne pourrir le topic de personne, envie de faire une petite liste de clichés qui me gonflent quant au viol. Certains sont peut-être "dérangeants" pour une majorité, mais pas mal envie de lancer le débat là dessus, de voir ce que les gens en pensent.

Le viol, c'est grave. Très grave. Très très grave. Tragique. Affreux. Douleur suprême.

Je trouve que les lieux communs sur le viol dramatisent le viol.
Reconnaitre la souffrence, c'est bien.
Faire du viol "l'abomination suprêêêêêêêêêêêêêême" n'en parler qu'avec des mots choisis parce que c'est un sujet grave, tout ca, je trouve que c'est destructeur, pour plusieurs raisons.

Ca enfonce les victimes. Oui, être victime d'un viol c'est pas fun. Right. Tout comme c'est pas fun d'être victime d'un grave accident, tout comme c'est pas fun de perdre un proche, tout comme c'est pas fun de se faire casser la gueule.
Pourquoi une agression sexuelle serait forcément plus grave (et donc plus marquante) qu'une autre agression où notre intégrité physique est mise en péril ?

Tout le mélo qu'il y a autour du viol vient à mon sens largement du tabou qu'il y a autour de la sexualité. Et je suis pas mal certaine que le regard de la société sur "cet acte très très très grave" le fait aussi percevoir comme "très très très grave" par les victimes. Et donc augmente la souffrance.

Dire que la victime a une responsabilité, c'est vraiment très très méchant et ca donne raison au violeur

Combien de fois je me suis fait incendier parce que je secouais la face de nanas sur des forums qui arrivaient en expliquant qu'elles s'étaient fait violer plusieurs fois, en leur demandant ce qui dans LEUR attitude à elles avait rendu possibles cette répétition.

Eh les gens, y a une différence entre "responsabilité" et "culpabilité".

NON, rien ne légitime le fait de forcer qqun à avoir des rapports sexuels. Je suis entièrement d'accord là dessus, rangez vos boulets rouges.

Mais au même titre qu'un automobiliste est toujours supposé pouvoir éviter un piéton, mais qu'on encourage QUAND MEME les piétons à ne pas traverser la route comme des sauvages, je pars du principe qu'on est toujours supposé respecter le refus de l'autre, OUI, mais qu'on peut quand même encourager les gens à ne pas se mettre dans des situations à risque sans que ça ne soit "légitimer le viol".

Clairement oui, pour moi, une personne qui, par exemple, cumule les soirées totalement défoncé(e) (j'insiste sur le masculin possible, j'y reviendrai après) avec des inconnus se fout en situation à risque.
La personne qui se balade seule dans la rue en pleine nuit en mini-jupe-à-raz-la-touffe se fout en situation à risque.
La gamine qui va beaucoup plus loin que ce que sa maturité lui permet de gérer et d'assumer se fout en situation à risque.
La personne qui fait de l'auto-stop seule en pleine nuit se fout en situation à risque.

Et relever les facteurs de risques, c'est aussi permettre à la personne d'éventuellement ne pas se faire re-violer 6 mois après.

Le discours déresponsabilisant "Violeur grand méchant omnipotant vs victime impuissante et sans responsabilité", il est dangereux.

Violeur = homme. Victime = femme

Cliché de merde. Qui s'auto-entretient. Il y a probablement plus de victimes hommes qu'on le croit. Mais un homme qui se fait violer est aussi retenu par le fameux cliché de "violeur = homme, victime = femme" pour témoigner voire porter plainte. Parce que dans le regard des gens, un mec (pas un petit garçon, là on veut encore bien le croire) qui se fait abuser, c'est moins facile à croire qu'une nana.

Remettre en question le fait qu'une personne qui dit s'être fait violer se soit réellement fait violer, c'est très vilain moche pas beau

Ben ouais, mais première nouvelle, les mythos ça existe. A plus forte raisons sur ce sujet là, qui est tellement dramatisé (voir premier point de ce post) qu'il est garant de tout tout plein d'attention et de compassion.
Mythonner sur "on me prend la tête répétitivement pour rien au travail", c'est pas très vendeur. Mythonner sur un viol, c'est beaucoup plus efficace. Et donc le filon est nettement plus exploité.

Et deuxièmement, ce qui est PERCU comme un viol n'en est pas forcément un.
Des personnes qui ont une attitude peu claire, disent "non" tout en continuant d'allumer l'autre, ou disent "oui" en essayant de faire passer le "non" au travers de l'attitude physique, ou ne disent pas non et après reprochent à l'autre de ne pas avoir deviné le "non" implicite, y en a. Beaucoup.
Et désolé, mais c'est pas un viol.
Ca ne veut pas dire que le rapport sexuel qui en résulte ne peut pas être mal vécu. Mais la notion de "viol" implique qu'il y a un coupable, un "méchant" dans l'histoire. Et si c'est être méchant que de ne pas être télépathe, ou de ne pas savoir se démerder à la perfection quand le verbal dit noir et le non-verbal dit blanc, bah on peut mettre les 3/4 de la planète en prison sur le champ.
Dans ces cas là, dire "Ca n'est pas un viol, mais tu l'as mal vécu", ca n'est pas "minimiser la souffrence", c'est remettre la réalité à sa place et ne pas donner au vécu irrationnel d'une personne une valeur de vérité objective. Et c'est aussi lui donner le message que si elle ne veut pas que la situation se reproduise, miser sur la télépathie comme moyen de communication, c'est pas très payant.
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Amande
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Re: Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par Amande »

Pas sur d'avoir tellement bien compris ton dernier point. Vais donc me prendre pour exemple et j'aimerai que tu m'expliques ta théorie. Mon ex, début de relation sexuelle consentie. Mais quand vient le temps de la pénétration, je recule, lui dit non, que je veux pas. Il écoute pas, me pénétre quand même. Incapable de dire autre chose que ça fait mal ou vas-y doucement. Pas de gestes de doux de ma part, position de l'étoile qui attend que ça passe. Selon ce que t'as expliqué, viol ou pas viol? Vu que je me suis pas débattue mais qu'il a pas non plus respecter mes multiples non...
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Scholl
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Re: Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par Scholl »

Je trouve que tu passes un peu d'un extreme à l'autre, et j'ai l'impression que c'est le genre de chose pas mal réccurent chez les personnes qui ont un soucis perso face à un truc.
Sinon, pour savoir ce que j'en pense:
Je pense qu'il y a pas mal de raisons objectives qui font du viol quelque chose de particulierement difficile à surmonter.
On peut dejà mettre en avant que malgrè les apparences notre société "sacralise" encore beaucoup la sexualité.
Ensuite, une relation sexuelle est par essence quelque chose d'intime, une personne violée est donc blessée intimement. Et qu'est-ce qu'on a de plus fragile, sacré, j'irai jusqu'à dire "digne" que notre intimité et son respect? C'est un droit fondamentale l'intimité.
Ensuite plus abstrait, le viol inclut une penetration. Ca renforce l'idée autours de l'intimité. Quelqu'un entre littéralement en "toi". Passe les barrières avec l'exterieur pour s'introduire en toi.
Je veux pas dire que toutes les autres souffrances sont en dessous, mais il n'y a qu'à regarder la loi. Actuellement je vois le droit pénal des personnes, et il y a bien un echelonnage des crimes. D'abord les crimes contre l'humanité, le meurtre, l'empoisonnement et ensuite le viol (pour faire simple).
Mon avis personnel, c'est que je pense qu'une aggression physique violente, barbare me ferait autant souffrir qu'un viol. Par contre, tu prends l'exemple de l'accident de voiture qui ne correspond vraiment pas. Dans le viol, ou l'aggression, il y a une intention de nuire, de diminuer la personne. Et si le coupable n'est pas conscient du mal qu'il fait, ça revient quand même au même, c'est une autre personne qui en face fait quelque chose. Ce n'est pas un aléa de la vie, c'est quelqu'un. Un autre humain. Un semblable.
Après, je comprends ton point de vue "ca n'aide pas les victimes". Mais ça c'est pas uniquement le viol, peu importe ce qui a pu arriver à la personne, lui rabacher tout le temps, la maintenir dans une situation de victime n'est pas bon.
Et je voulais revenir sur ta critique du tabou autours de la sexualité. C'est pas forcément un tabou, ça peut juste etre du respect. Je pense qu'aujourd'hui on se respect de moins en moins nous même, et c'est pas sur que ce soit un progrès je vivre une sexualité degradée. J'irai même jusqu'à dire que la plupart des personnes disant vivre une sexualité libre au sens libertine et autres, ne le font pas par eclairement, mais pour se faire du mal d'une façon plus ou moins consciente.

Pour la seconde partie, je pense que c'est un terrain très dangereux. Si on commence à s'aventurer là dessous, toutes les derives s'y aggriperont. Et je crois que quand les gens ne sont pas capables d'avoir un débat intelligent il faut couper court. Et en ce qui concerne les ados/enfants sexualisées, est-ce qu'on peut vraiment inclure une responsabilité? Non. Ce sont des personnes à protéger, pas à montrer du doigt.

Pour le reste j'ai pas le temps de developper, mais je le ferai surrement un autre jour.
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Amande
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Re: Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par Amande »

Scholl a écrit : le viol inclut une penetration.


Je ne sais pas en Europe, mais je sais qu'au Québec, on a "arrêté" de parler de viol pour parler d'agression sexuelle. Parce que non justement, ce n'est pas que lorsqu'il y a pénétration qu'il y a mise en cage de l'intimité et de la liberté personnelle. Au niveau de la loi, des attouchements avec doigté seront jugés de la même façon qu'une pénétration
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Scholl
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Re: Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par Scholl »

En france il y a viol du moment qu'il y a penetration. Ca veut pas dire pénétration du penis dans le vagin. Une penetration bucale compte, une penetration avec un object compte etc..
Si il n'y a pas de pénétration on parle d'aggression sexuelle (ex: attouchements)
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NightOwl
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Re: Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par NightOwl »

je viens juste appuyer les dire de Caramel sur les hommes.
J'ai été en médecine et j'ai vu quelques chiffres, environ 25% des personnes violées sont des hommes, et je parle bien de viol, pas d'agression, notre prof nous disait que ça arrivait de plus en plus souvent venant d'un homme sur un autre homme (ne criez pas à l'homophobe, demandez vous en premier les pré requis pour pouvoir faire l'amour avant), et d'une femme sur un homme. Je mets en parallèle le fait que les violences conjugales (physique mais surtout psycho) d'une femme sur son maris augmentaient aussi, le problème c'est que dans ce cas là , les médias stéréotypes tellement homme violent et femme fragile que ceux ci en parlent bien moins, d'ailleurs je mettrais du même coup l'absurdité des associations du coup qui ne parlent que de femmes battus , même si il commence aussi à se développer des associations pour les hommes.

Et oui malheureusement des hommes "fragiles" ça existe.
(la dernière phrase est de l'humour vous vous en doutez).

Bref je m'égare
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Caramel2
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Re: Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par Caramel2 »

Aurore a écrit :Pas sur d'avoir tellement bien compris ton dernier point. Vais donc me prendre pour exemple et j'aimerai que tu m'expliques ta théorie. Mon ex, début de relation sexuelle consentie. Mais quand vient le temps de la pénétration, je recule, lui dit non, que je veux pas. Il écoute pas, me pénétre quand même. Incapable de dire autre chose que ça fait mal ou vas-y doucement. Pas de gestes de doux de ma part, position de l'étoile qui attend que ça passe. Selon ce que t'as expliqué, viol ou pas viol? Vu que je me suis pas débattue mais qu'il a pas non plus respecter mes multiples non...
Tu as dit non. Et tu ne l'as pas encouragé "gestuellement" tout en lui disant non. A partir de là, ouais, à mon sens c'est un viol.

Sinon, Scholl, pas pigé ce que tu voulais dire par "tu passes d'une extrême à l'autre".

Après, juste pour préciser : parler de "responsabilité de la victime", ca ne revient en rien à la montrer du doigt.
Je vais prendre un exemple volontairement hors du sujet du viol :
Un gamin qui ne sait pas encore respecter les feux rouges, et qui se met en danger. Bien sûr, c'est aux adultes de le protéger (tout comme c'est, à mon sens, aux parents d'être un minimum attentifs à ce que leur enfant qui n'a pas encore pleinement conscience des enjeux de la sexualité ne se foute pas en danger, hein). Mais pour autant, on va quand même lui faire prendre conscience des dangers qu'il encourt à courir sur la route. S'il a un accident en courant sur la route, je ne vais pas lui dire "c'est uniquement la faute du chauffeur", mais "tu devais faire gaffe, aussi". Au même titre, une nana (ou un mec, là encore) qui vient poster sur le forum : "j'étais complètement bourré avec des parfaits inconnus, et ça s'est fini en abus sexuel", non je ne vais pas lui dire "ca donnait le droit à la personne qui t'a abusé de le faire" ni "c'est de ta faute", mais oui, je vais clairement lui dire qu'il ou elle s'est foutu dans une situation à risque. Et que se refoutre dans la même situation reviendrait à courir à nouveau des risques. Je ne vois pas en quoi c'est "culpabilisant" ou autre. C'est la réalité...
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Tehseus

Re: Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par Tehseus »

Caramel2 a écrit : Le viol, c'est grave. Très grave. Très très grave. Tragique. Affreux. Douleur suprême.
Si qqun dis ça, j'aurais plus tendance a penser que c'est sa propre vision de la chose. Dans le sens que pour lui, c'est inconcevable, qu'il n'arrive pas a s'imaginer être victime d'un viol.
Du genre avec tout le temps que j'ai passé à l’hôpital, les opérations etc. ça ne me fait plus peur, ni vraiment mal (enfin si ça fait toujours mal, mais je gère la douleur différemment, elle me touche "presque plus" si je peux dire ça comme ça). Et quand on parle de péridurale, c'est un simple aiguille enfoncé entre 2 vertèbres, ou même rien qu'une petite piqure intramusculaire, prise de sang, certain n'arrive pas a s'imaginer cela, en ont peur. Ma soeur voudrait donner son sang a la croix rouge mais tombe dans les pommes a l'approche de l'aiguille...
Partir sur l'extrême et enfoncer le clou sur le fait que c'est atroce, je suis totalement d'accord que ça aide pas, que c'est stupide. Mais généralement quand qqun dis ça, ou qqch du genre, je me dis souvent que c'est plus sa propre vision de la chose plus qu'une généralité qu'il impose.
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DizzyDance
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Re: Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par DizzyDance »

Besoin que la souffrance soit validée non seulement par soi mais par autrui pour pouvoir faire un travail de deuil. Donc, que le viol soit atroce est peut-être discutable, mais pour la personne qui l'a vécu, c'est une étape nécessaire pour qu'elle puisse tourner la page, malgré quelque chose de physiologiquement et psychologiquement irréparable.
Le combat, c'est aussi ça, poser des gestes au quotidien pour non seulement reculer l'échéance, mais, à travers ce genre de petites victoires, vivre.
chocoturtle

Re: Les clichés qui me hérissent sur le viol

Message par chocoturtle »

Cette discussion m'a rappelée être tombé sur un billet que je ne retrouvais plus, mais j'ai remis la main dessus : de la culture du viol sur madmoizelle.com
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