https://www.youtube.com/watch?v=k51zB33fzl0
Les Hommes, les anges et les vautours.
Je ne sais que vous dire. J'en ai envie, j'en ai besoin. Mais je ne sais pas par où commencer.
J'ai peur. Je doute.
Est-ce que je suis vraiment faite pour ce métier ?
Est-ce que je vais y arriver ?
Est-ce que je suis assez compétente pour ne pas tuer quelqu'un ?
Est-ce que je vais me retrouver dans un an ou deux à être interdite d'exercer par la justice parce que j'aurais fais une connerie ?
Est-ce que c'est vraiment la finalité de ce métier, d'en prendre plein la gueule en continu ?
Est-ce que je peux le supporter ?
Est-ce que j'en ai vraiment envie ?
C'est juste tellement dur. J'ai l'impression d'être au bord du burn-out, alors que je ne suis même pas encore diplômée. Je ne sais plus quoi faire. J'en peux juste plus. J'ai fais le plus gros, dans 8/9 mois c'est fini, enfin je serai en attente des résultats mais plus de cours ni de stages.
Et après ?
Est-ce que j'en suis capable ?
Et avant ?
Est-ce que je suis capable de tenir ce rythme d'ici là ?
Pourquoi est-ce qu'on ment aux étudiants en leur disant que la première année est la pire ? Chaque année est pire que la précédente, chaque semestre est pire que le précédent.
Ça n'en finit pas.
Je me sens comme une oie qu'on gave. On me gave de connaissances, on me gave de sémiologie, de médicaments, de procédures, de fiches techniques, de choses à connaître et à ne surtout pas oublier. Mais des fois, je me sens comme si mon cerveau ne pouvait plus rien engranger. On nous en demande toujours plus, toujours mieux, toujours avec plus de détails, et sans avoir droit à l'erreur. Parce qu'on nous le répète constamment, si on merde, on peut tuer quelqu'un, et même si c'est moins grave que ça, les sanctions sont au bout. Civiles, pénales, disciplinaires.
Pourquoi est-ce que, alors qu'on nous fout une pression gigantesque, alors qu'on se défonce pendant trois ans au prix de notre santé physique ou psychique, au prix de nos relations, au prix de nos loisirs, au prix de notre vie familiale et personnelle, alors qu'on fait des journées de 12h sans pouvoir prendre de pauses, sans pouvoir manger parfois, alors qu'on ne veut qu'aider et apaiser, alors qu'on se défonce, toujours, tout le temps, alors qu'on est en première ligne... Pourquoi les gens nous traitent comme de la merde ? Comme si tout était toujours de notre faute, y compris les fautes des autres, des médecins, des kinés, des professionnels qu'on ne voit jamais parce qu'ils passent 10min par jour avec vous et s'en vont. C'est parce que vous ne les voyez pas assez qu'à la place, vous nous en foutez plein la gueule à nous ? C'est parce que nous sommes des femmes en majorité et que les femmes méritent d'êtres violentées ? C'est parce que vous savez que même si on est blessées, on vous aidera de toutes les façons qu'on pourra ? C'est parce que vous savez qu'on ne pourra jamais faire grève, et qu'on ne pourra jamais vous traiter mal en retour sous peine de justice ?
Pourquoi toujours devoir travailler plus pour moins de reconnaissance, avec moins de moyens, et un même salaire, au ras des pâquerettes ?
Pourquoi est-ce que, alors que nous sommes en cursus LMD, on a pas accès au master et au doctorat ? Parce que vous ne pourriez plus exploiter de jeunes diplômés dès la sortie du DE si on faisait plus d'études ?
Pourquoi est-ce que j'ai choisi un métier qui me fait me sentir comme la dernière des merdes au quotidien, alors que objectivement, c'était déjà le cas sans ?
Je doute d'avoir véritablement envie de continuer.
Peut être que c'est juste une passade. Peut être que j'ai juste besoin d'être rassurée.
Au fond, ce n'est pas le métier qui me fait peur ou qui me dégoûte. C'est le système. C'est les conditions de travail. C'est les patients qui considèrent que je ne suis pas assez compétente pour quoi que ce soit, si ce n'est subir leur mauvaise humeur avec le sourire. C'est un tout, qui fait qu'associé aux études, aux stages et à me propre fragilité... Je ne suis plus sure d'en être capable.
J'ai peur que ça me détruise.
J'ai peur, je doute.
Et pourtant, je continue à bosser du matin au soir, et les weeks ends. Je continue à me donner à fond, parce que qu'est-ce que je peux bien faire d'autre ? Arrêter ? J'en ai pas chier comme ça pour pas avoir mon bout de papier en juillet.
Mais j'ai peur de pas y arriver.
Prochain stage aux urgences. Ça devrait me motiver, ça devrait me rendre heureuse. J'adore les urgences, c'est un de mes projets pro prioritaire.
Ma seule préoccupation actuelle, c'est : est-ce que je vais tomber sur une équipe qui va se défouler sur moi ou est-ce que je ais tomber sur une équipe qui m'ignorera juste.
Les infirmières n'en peuvent plus les gens. Le nombre de burn-out et de dépression est en constante augmentation, les nombre de pathologies dues au travail (sciatique, hernies, blessures articulaires, déchirures, etc) aussi. Les infirmières se suicident. Beaucoup plus que d'autres populations. Médecins et paramédicaux ont 3 fois plus de chances de se suicider que les gens venus d'autres professions.
Le système de santé s'écroule. Les moyens sont toujours plus réduits, les services en sont rendus à ne plus embaucher mais à prendre des renforts intérimaires quand vraiment c'est pas possible pour les 2 ou 3 infirmières titulaires de gérer tous les patients sans risquer de les tuer. Certains matériel ou médicaments qui permettraient d'améliorer les prises en charges ne sont plus commandés. Les trucs qui se cassent ne sont plus remplacés. Les infirmières qui partent à la retraite non plus. Chaque années, des milliers de postes sont supprimés. Les postes sont de plus en plus précaires. Plus possible de trouver un CDI avant plusieurs années d'expériences.
Et les patients, les gens, la société, n'a que 2 réponses : le silence et l'indifférence, ou l'agressivité.
Ne voyez-vous pas que dans tout ça, nous ne sommes pas les coupables mais les victimes, autant que vous ? Que nous essayons, mais que nous n'avons pas le don d'ubiquité, et encore moins celui de garder un cerveau fonctionnel plus de 12h d'affilées quand on a trop de patient à gérer, trop de médicaments à préparer, trop d'entretiens improvisés à mener, trop de choses à faire, de personnes à appeler, de manutention à réaliser ?
Putain de merde, la situation est catastrophique. Ce n'est pas parce qu'on ne vous laisse pas mourir en allant faire grève complètement que nous sommes heureuses, épanouies, que nous n'avons rien à revendiquer.
On a juste une conscience qui nous empêche de sacrifier des patients pour des questions de systèmes et d'économies budgétaires. Pourquoi personne ne se rend compte que ce ne sont pas sur les infirmières, les aides-soignantes et j'en passe qu'il faut taper, mais sur le système !
Plus j'avance et plus ça me dégoûte. Je ne suis pas sure d'être capable non pas d'exercer, mais de supporter d'exercer dans ce système. J'en ai marre qu'on crache sur mon futur métier de partout, que la majorité des personnes ne se rendent pas compte qu'on en chie et pensent juste à nous tacler sur toutes les erreurs que les médias ont relayés.
Bah oui, plus facile de taper bêtement que d'essayer de comprendre.
Je suis en colère. Je suis révoltée. Et je suis pied et poings liés.
J'ai envie de faire rentrer dans le crâne des gens qui s'imaginent qu'on passe notre temps à ignorer nos patients pour boire des cafés en se racontant les derniers ragots qu'ils ne mesurent même pas un centième de notre boulot. Qu'on boit notre café non pas en se racontant des ragots mais en faisant des transmissions aux médecins et aux cadres dans l'espoir d'améliorer votre prise en charge. Qu'on boit du café en leur disant tous vos problèmes non pas parce qu'on est des feignasses, mais parce que ça atténue l'impression que chaque matin, ce temps là est un temps où on va au front, où on va s'en prendre plein la gueule parce qu'il sera toujours plus facile d nous répondre que nous ne sommes pas assez compétentes pour bien évaluer a situation que de nous dire "vous avez raison, cet état de santé est inquiétant, on va mettre des choses en place".
J'aimerais dire à toutes les personnes qui pensent que nous sommes désabusées, désintéressées, incompétentes, que nous faisons des erreurs tout le temps, que de toute manière on ne peut pas nous faire confiance, que nous ne sommes pas médecins, et j'en passe, j'aimerais leur dire que s'ils nous souriaient de temps en temps, ça nous remettrait sans doute d'aplomb. Parce que notre vrai salaire, c'est ça. On ne peut pas compter sur le système, on ne peut pas compter sur les équipes épuisées qui travaillent à flux tendu, on ne peut pas compter sur le salaire, alors on compte sur vous, les patients. Juste un mot gentil, un sourire, pour nous dire qu'on ne fait pas ça pour rien, au final.
Être infirmière, de nos jours, ce n'est pas être une nonne qui tient la main des patients en leur caressant les cheveux.
Être infirmière, c'est être aide-soignante, psychologue, mini-médecin, confidente, électricienne, manutentionnaire, téléopératrice, et j'en passe.
Un jours, peut être, les mentalités changeront.
En attendant, ça me dégoûte, ça me révolte, et ça me donne l'impression d'avoir encore choisi une mauvaise voie.
Jusqu'au prochain patient qui me dire merci.
Système de merde.
Études de merde.
Peut être que comme une bonne partie des infirmières, je tiendrais au moins 7 ans avant de me reconvertir...