Redécouvertes, madeleines et crate diggers

[DizzyDance]

Un son, une lecture ou un film marqua votre enfance et vous venez de retrouver ça?
Partagez ça, si possible en disant pourquoi ça vous touche.

Quand j'étais gymnasien, il y a 20 ans, je carburais, pour préparer mes examens de maturité (l'équivalent du bac), avec une émission de radio monstrueuse que j'enregistrais cérémonieusement tous les vendredi, les métissages sur Couleur 3.

Mister Mike, Red Baron et Just One se débrouillaient superbement pour présenter du beau, du lourd, du rap. Ça ne s'appelait pas encore oldschool, on était encore dans la mouvance.

Une fois à l'université, j'ai fait la connerie de prêter mes cassettes à quelqu'un. Je ne les ai jamais revu.

Et je me rappelais d'un rap, aux riffs de guitare particulièrement hypnotique, avec de la batterie bien lourde et un sax insistant.

Je n'avais pas relevé le nom du morceau ni du groupe.

En remontant, au fil de ma mémoire et des noms de groupes prestigieux qui hantaient mes bandes magnétiques disparues (NWA, Public Enemy, The Afros, X-Clan, Masta Ace, Rockin Squat ou les premiers NTM et timide et sans complexes, en passant par Einstein et Ice Cube), je n'ai jamais retrouvé ce son.

Jusqu'à ce que, avant-hier, bingo, bullseye, le fil dans le chas de l'aiguille, jackpot et tutti chianti, mon cerveau a fait tilt quand j'ai écouté un morceau sur YouTube.

Il s'agissait, vous l'auriez deviné, de CE morceau, le morceau qui accompagnait l'apprentissage forcené de mes 40 sujets d'histoire, de mes résumés de livres, de la biographie de Perec et du vocabulaire allemand qui me fait maintenant encore peur, mais c'est une autre histoire.

C'est ceci:

http://www.youtube.com/watch?v=KRKDgzlfUBY

et mon Dieu, qu'est-ce que c'est BON!

Le groupe, je n'avais pas beaucoup de chances de le retrouver en dehors du net. Quoique précurseur dans son genre (le premier groupe de rap multi-ethnique), il n'a fait que trois albums et ils ne se sont pas fait des amis, tirant à boulets rouges sur Beastie Boys, Vanilla Ice et autres gros noms du rap.

Le titre, encore moins. C'est un remix de "Product of the Environment", mais ce n'est que dans le remix qu'il y a la gratte, le sax et la batterie lourde. C'est ça et rien d'autre.

Mais tout ça, c'est du name-dropping sans aucune espèce d'importance.

Je peux me reconnecter à une tranche oubliée de mon passé, un pan entier de ma mémoire s'offre à moi, et tout ça accompagné de cette guitare électrique en boucle.

Dieu que c'est bon.

[Mélancolie]

Merci de la découverte.

Même si le titre n'est pas très évocateur du sujet du topic...

[Invite]

Moi je trouve qu'au contraire "redécouvertes" et "madeleine" (comme dans les madeleines de proust) c'est très évocateur. Le dernier terme peut être un peu moins mais avec les deux premiers, je trouve que ça annonce plutôt la couleur ^^

J'ai rien redécouvert ces derniers temps, mais je n'oublierais pas de poster ici si ça m'arrive

[DizzyDance]

Et mes années pré-noires, mes années d'uni, où je dérivais, je zonais au Zélig, la cafétéria des étudiants, cafétéria qui a son bon quota de raison d'échecs aux examens.
Le Zélig. Je me pointais à l'ouverture et je faisais la post-fermeture, squattant des soirées privées, des tables de poker ou me faisant mes premières armes au jeu de rôle.
Patrick qui jouait à Civilisation sur Mac, José qui terminait un travail archi-important d'histoire, Claudio tellement bourré qu'il a pissé dans la machine à café, les concerts de groupes plus ou moins minables, leur manager se mettant tout dans les fouilles.

Un groupe de rap, aussi, Averse de Soleil, qui avait déboulé. Une liste de guests trop grosse et il n'y a eu que 4 entrées payants.

Le contraire, le concert de Bernard Minet où il y a eu un gros souk selon l'aveu du batteur du Club Do'

On se foutait aussi de la gueule de Sylvie Courvoisier avant qu'elle se fasse un nom dans le jazz.

Il y avait les musiques spécial vidange. Branca, Apocalypse, Gunshot, volume à fond. Et moi j'aimais ces musiques et je restais.

Dégoûté des stones, parce qu'un bariste passait la même cassette (oui, cassette) à répétition.

Découvert pas mal de musiques différentes. Pitchshifter, Dorffmeister, Autechre, μsis, les pixies. Un mec, un bariste qui pouvait passer les fûts de bière par dessus le bar tellement il était baraque, nous a fait découvrir un petit album en import, parce qu'il aimait bien le son. C'était le premier cd de Nirvana.

Joué aux échecs contre Pierre-Yves Maillard, parlé avec Nicolas Bideau, gonflé et gonflant à l'époque. Joué au poker contre Fathi Derder, en banc de philo avec Ada Marra.

Je me rappelle plus d'une rousse, ou de Gil, de Jérôme, de Vladimir, de cet arnaqueur d'Ousmane.

Des gens, des couleurs et des sons.

Et un en particulier qui m'avait fait tripper grave à l'époque, l'intro de guitare de cette chanson.

Déjà à l'époque, je trouvais ça baddant.

Quand j'ai compris de quoi parlait cette chanson, je badde encore plus

Mais elle est belle. Donc, même si ça relie et remue beaucoup de choses en moi, j'ouvre cette caisse, cette boîte de Pandore

http://www.youtube.com/watch?v=AanK1pzjMG4

(La vidéo est beaucoup trop rose bonbon. On la trouve. Trop décalée par rapport au message...)

[DizzyDance]

Encore la zone, mais plus tard... Je sortais de mes années d'université à grand peine, par la petite porte. Burn-out, dépression, et diagnostic : schizophrénie. Je me raccrochais comme je pouvais à mes passions. Les échecs, le jeu de rôle. Les boutiques de jeu de rôle, à Lausanne, il n'y en avait pas beaucoup. Une, près d'un disquaire, dans un escalier, qui partait en vrille. Puis une autre s'est ouverte, non loin.

J'y allais, sans forcément acheter quelque chose, juste pour rester en contact avec un univers qui m'avait fait tenir quand je chauffais encore les bancs de la fac ou que j'étais au bar de l'uni (lire plus haut).

Des jeux de rôles, du sans-détour, des jeux de plateau, des jeux de cartes, des gadgets à la con dont j'ai fait cadeau à Caramel, des dés.

Des copains d'uni que je retrouvais là, des grands anciens de mon club de JdR.

Et un vendeur, D., qui passait des musiques d'arraché.

Ce clip, magnifique, parodique, excellent. Le troll est puissant chez celui qui l'a conçu.

https://www.youtube.com/watch?v=pHUFbnMXSpc

Ma meilleure amie. Je croyais en avoir une à l'époque. Et non. Une des seules choses de bien qu'elle a fait, c'est de m'avoir présenté Caramel. Il y aura d'autres madeleines, d'autres caisses, si je retrouve les musiques qui vont bien. Peut-être qu'il y aura du Matt Bianco. Certainement d'ailleurs. Aujourd'hui est un autre jour, et

[DizzyDance]

Au gymnase, avant ma période rap, il y avait ma période jazz-fusion avec un copain bobo gaucho qui a viré (extrême)-droite, climatonégationniste et anti immigré.

Bref, avant, avant tout ça, avant ce désastre intellectuel, on a fait la virée de certains concerts de jazz. Tania Maria, mais surtout John McLaughlin, ou John Scofield, Vienna Art Orchestra, Michel Petrucciani avec la section rythmique de Keith Jarrett, à savoir l'immense Gary Peacock et aux fûts, Jack DeJohnette.

Oui, il m'a fait découvrir de la fusion, avec Decoy de Miles Davis, Offramp et Song X de Pat Metheny, aussi Charlie Haden, évidemment pas que ça et entre quelques trucs bien foutus et bien funky de l'encore vivant Gainsbourg, ses concerts à lui où il jouait plutôt pas mal de la gratte, des délires d'impro dans les boxs de musique au gymnase et Ravel, oui, Ravel, il y a eu Weather Report puis Wayne Shorter en quartette.

Et, à la radio, dans l'émission "Les cacahuètes salées" (allusion à "Salt Peanuts", morceau qui a pratiquement fait découvrir le bebop en Europe depuis le concert à la salle Pleyel par la formation menée par Dizzy Gillespie), il y a eu le concert à Montreux de Wayne Shorter, en quartette, avec des musicos qui avaient enregistré avec lui l'album "Phantom Navigator".

Et surtout un morceau, un, une reprise d'une compo d'un disque de Weather Report, Face on a barroom floor. La reprise est fabuleuse, sublime, planante et me fait tirer des larmes...

https://youtu.be/t1uUG2B5C4I?t=9m53s

Belle, avec une émotion contenue... et surtout une ironie cruelle quand on sait qu'un an plus tard, Jaco Pastorius, le bassiste emblématique de Weather Report, se fait buter par le gérant d'une boîte... Face on a barroom floor, quasiment. Gisant 4 heures dans son sang et déclaré mort après 9 jours de coma.

Histoire de me dire qu'au royaume du numérique, Jaco est encore vivant, voici l'album qu'il a enregistré avec Joni Mitchell

https://www.youtube.com/watch?v=6If65D_DXS4

et le premier morceau de celui avec Michel Colombier

https://www.youtube.com/watch?v=89WkxKpevLg

Puisque rien ne dure...