crève-coeur a écrit :La... lassitude? Les gens viennent, les gens passent les gens partent.
Non, c'est pas du tout de la lassitude. Je ne me lasse pas des gens. Enfin, si, ça peut arriver. Genre mon fantasme du moment, ou la passion de la nouveauté, forcément ça s'estompe. Mais ça, osef. J'veux dire, je parlais des gens avec qui j'ai (eu?) des liens. De vraies attaches, quoi. Fut un temps.
Aujourd'hui, les liens se coupent peut être pas mais je les laisse se distendre au maximum. De temps en temps ils reviennent dans ma vie pour deux jours, une semaine, deux semaines, parce qu'on est ensemble ou qu'on événement nous pousse à prendre contact. Puis ça se redistend. A fond. Genre plus de contact, silence radio, je n'existe plus et toi non plus d'ailleurs.
J'ai accepté il y a longtemps que rien n'était éternel, et certainement pas les relations humaines. Ca me fout encore au fond du trou de temps à autre, surtout vis-à-vis de T., mais j'ai fais un seuil deuil dans ma vie et c'est celui-ci. A coup de grosse claque dans la gueule et à force de me faire planter des lames chauffées à blanc un peu partout, certes, mais j'en suis je pense réellement au stade de l'acceptation vis-à-vis de l'éphémérité des relations interpersonnelles.
Ce qui me pose problème, c'est pas tant que les relations se terminent un jour, c'est qu'alors qu'elles sont pas terminées, je m'en coupe automatiquement, systématiquement, et qu'il n'y en a pas une seule qui échappe à la règle.
Je me sens d'autant plus seule que je m'inflige ça à moi-même. Comme un serpent qui se mord la queue à l'infini, une partie de moi lutte contre l'autre, sauf que je perds à tous les coups. Quand je suis en contact avec les gens, je gère que dalle, quand je le suis pas, je gère que dalle.
Good game, Layla.
Rideau.
crève-coeur a écrit :Et pourtant, est ce que c'est vraiment toi entièrement ou aussi ta vie qui m'a l'air franchement chargé, physiquement comme émotionnellement?
J'sais pas. Après un quotidien comme le tien je m'attarderais plus à réfléchir ou même à entretenir une once de conversation avec les personnes qui m'entourent.
Et de fil en aiguille, laisser tomber les attaches qui finissent elles aussi par ne plus venir pour entretenir le terrain. La part du fil qu'est sensé être tissé par toi.
Il y a peut être de ça. C'est vrai qu'entre les études, le secourisme et les responsabilités, j'ai un emploi du temps chargé. Mais ça tient vraiment de mon mode de vie. Je supporte mal l'inactivité, donc même quand j'avais pas ça, il y avait autre chose.
C'est vrai que je vis dans le stress au boulot comme en poste, mais c'est plutôt un stress sain. C'est la barrière qui m'empêche de partir en couilles. Le sang, la douleur, les larmes, les trucs trash, les accidents graves, ça me décharge de la noirceur qui me pousse à le rechercher, sinon, dans ma vie à moi.
Je sais pas si c'est très clair, mais tout ça, ce que tu appelles mon quotidien, c'est ce qui me sauve de moi-même, quelque part. C'est ce qui me permet de pas aller chercher la merde dans la rue pour me faire tabasser, c'est ce qui me retient de me foutre dans le fossé quand je suis en voiture, c'est ce qui m'empêche de sortir me faire baiser dans les toilettes d'un bar par un mec qui a trop bu, etc.
Donc non, je pense pas que ça joue sur l'aspect relationnel de ma vie, en soi.
Par contre, c'est vrai que je peux parler avec quasiment personne de mon quotidien. Sauf avec mes homologues quoi. Mais c'est pas mes amis proches, donc ça nous intéresse moyen dans l'instant présent.
Quand je parle de mon métier, soit les gens n'y porte pas d'intérêt parce qu'ils pigent rien, et je comprends parce que quand on a pas de notions médicales, c'est sûr que c'est compliqué pour comprendre ce dont je parle, ou même les blagues sur le sujet. Soit je me prends pleins de clichés ultra violents dans la gueule, du genre "le milieu médical est incompétent", "pour vous, les patients sont des objets", "ton milieu est de plus en plus déshumanisé, vous devriez faire plus d'efforts", "les infirmiers font pas assez gaffe aux détails, genre moi il m'est arrivé [insérer ici une expérience dégradante pour l'image de mon métier] quand même !!!", "arrête de te plaindre, toi au moins t'auras du boulot assuré, et bien payé en plus !", etc etc. C'est pas dit comme ça bien sûr, mais l'idée générale derrière est plus ou moins présente. Mon métier est absolument pas considéré comme il devrait, les gens se rendent absolument pas compte de la charge de travail, on nous imagine plus volontiers en train de boire du café dans la salle de soins la moitié de la journée car retenir nos vessies pleines pendant 12h car impossible de trouver 5min pour aller aux toilettes tellement on est sollicités de partout.
Et ouais, j'avoue que ça, ça me bride pour parler aux gens. Parce qu'au final, j'ai l'impression soit de les faire chier, soit que je vais me faire basher, même indirectement. Comme si c'était de ma faute si l'intégralité des infirmières du monde sont pas toutes géniales, toujours, tout le temps, avec tout le monde.
C'est un métier où on nous laisse pas droit à la moindre petite erreur, et je me le prend tellement dans la gueule au quotidien que j'ai même pas envie d'avoir éventuellement droit au même discours de la part de mes proches.
Bref, je m'étends.
J'adore mon métier, hein. Vraiment. Mais j'arrive plus à en parler avec des personnes qui sont pas du milieu.
crève-coeur a écrit :Pour ce qui est des TCAs... Je sais pas quoi te dire. J'ai exactement la même optique donc balancer le moindre truc serait vraiment l'hopitale qui se fout de la charité. Je sais pas, j'aime les électro choc. Faut qu'on me pende une hospitalisation au nez pour que j'arrête de faire de la merde niveau bouffe et rentre un peu plus dans le fillon. Remettre tout ça a demain. Ou à l'année suivante plutôt, puis que c'est chaque année le même bordel pratiquement jour pour jour. Un petit secouage de gueule.
P'être qu'il faudra qu'on te la pende au nez l'hospit avec le psychiatre qui trace sur ta gueule les lettres T.C.A pour que ça secout tout ça.
C'est pas jolie de regarder la merde en face. C'est la mêem chose quand on te dit que non, vous ne gérez strictement rien que que vos TCA ont déjà prit largement le pas sur votre controle.
P'être que la peur de perdre le controle sur un truc qui pourtant t'en donnait donne le change, secoue aussi pour faire freiner des quatres fers le char. Hop machine arrière. Ou pas. Je sais pas, j'ai pas encore passer le cape après le psychiatre.
J'ai envie de dire : ça n'arrivera pas parce que personne se rend compte de rien et je n'irais JAMAIS plus revoir de psy volontairement, 1 !!
C'est ultra puéril comme réponse, mais franchement, si je dois être hospitalisée une nouvelle fois, il faudra que ce soit sous la contrainte, et que je n'en sois prévenue qu'une fois contentionnée ou sédatée. Sinon c'est simple, je me barre à l'autre bout de la France ou dans un autre pays et je pourris la vie de celui ou celle qui aura essayé de me renvoyer en HP.
Voilà, cela étant dit, parenthèse de l'ado révoltée finie.
Mel a écrit :Le besoin de continuer malgré le danger, c'est ce qui caractérise, en eux même, les TCA. C'est une addiction (comportementale, certes, mais une addiction quand même). Comme tu en parles / parlais de l'alcool, la drogue, le sexe et tout plein d'autres choses que j'ai dû zapper. Alors, peut-être est-ce sur ce point que tu devrais travailler, en solo ou avec un(e) psy, même si tu as eu de mauvaises expériences avec elleux. Pour toi comme pour moi, là est le centre névralgique du problème : l'addiction (avec les émotions et tout ce qui gravite autour genre les relations, la confiance en soi, l'estime de soi, etc...).
Oui, c'est sûr que tout ça a un lien avec l'addiction, et tout ce qui peut graviter autour. Tu as bien cerné le problème.
Pourtant, j'aime à croire que par rapport à il y a 10 ans j'ai avancé pour ce qui est de l'élitisme, du manque de confiance en moi, des relations, etc. Peut être pas tant que ça.
J'ai réussi à construire des choses, même si parfois ça manque de se casser la gueule. Entre ma formation, le bénévolat, la distance que j'ai pu mettre avec ma famille (même si elle n'est pas physique, émotionnellement j'ai avancé), ma relation avec T., qui est la plus longue que j'ai eu jusque là, et la plus épanouissante, etc, j'ai clairement avancé sur ce terrain.
Mais le nœud du problème ne se situe plus tellement là, je pense.
Le problème, c'est peut être que j'aime ça, au fond. Je n'arrive pas à me visualiser sans addiction. Sans alcool, sans drogue, sans sexe, sans TCA, sans clope, sans café, etc. J'veux dire, j'ai l'impression que j'ai construit une partie de ma personnalité autours de l'addiction.
Durant la pré-adolescence et l'adolescence, c'est ce qui m'a maintenue si ce n'est debout tout le temps au moins en vie. Et pourtant c'est censé être destructeur.
Mais pour moi, les objets addictifs ne sont pas tant une façon de me détruire qu'une façon de me garder en vie, par le plaisir que ça me procure. Ca a peut être un lien indirect avec l'estime et la confiance en soi, les relations, etc. Mais je crois que c'est de loin pas le premier lien.
Pour le coup, ça a peut être plus de lien avec le vide, le manque d'intensité. Suffit de voir le dimanche soir quand j'étais chez toi. C'était pas agréable à vivre sur le moment, mais je l'ai pas mal vécu, parce qu'au final j'ai ressenti. C'était pas tout le temps positif, mais parfois ça l'est. Et c'est pour ça que je continue à boire malgré ces soirées ou je pars en vrille sévère. Je préfère ressentir le plus profond désespoir que je puisse imaginer que de ne rien ressentir. Je préférerai ressentir l'euphorie tout le temps, parce que je ferais pas chier les autres, mais personnellement je m'en fous. C'est pas la nature du sentiment, des sensations ou des émotions qui m'importe, mais l'intensité.
Et pour les TCA c'est un peu pareil, sans doute. Je m'en fiche de mon poids ou de mon IMC, en soi. Et je m'en fiche un peu que des gens ne me trouve pas assez fine ou pas assez forte. Par contre, j'aime le vide que cela me procure parce que c'est un vide que je ressens avec intensité, donc c'est pas vraiment un vide, tout en étant vide, et ça combat l'habituel.
Putain, c'est vraiment tiré par les cheveux, mais en y pensant c'est ultra logique.
Mais du coup, j'ai pas envie de faire quoi que ce soit contre...
Hm...
Je suis stupide, je crois.