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VomiCornFlakes
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Message par VomiCornFlakes »

Postez ce qui vous plait. N'importe quoi, sur n'importe quel sujet. Des analyses du temps présents, des rétrospectives critiques, des présomption acerbes de l'avenir... Bref, faites vous plaisir, et partagez..
Le fond de l’air est psychotique

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“C’est ce que je pense maintenant, et j’espère que je ne le regretterai jamais” (devise d’une rebelle)

Le rebelle est un mégalo, il croit que le monde tourne autour de l’individu, autour de lui.
Il se fonde sur sa propre révolte pour l’analyser .
Il est l’archétype d’un monde dans lequel la monade “individu” tient lieu de sujet de l’histoire de l’humanité.

Le rebelle est un parano. Il croit que les méchants ont peur de lui et le traquent. Le rebelle croit qu’il a inventé ce qu’il pense du monde.
C’est un artiste de la critique sociale : il montre le beau caca qu’il vient de concevoir.

Le rebelle ne peut pas entendre qu’il n’est rien, comme nous, comme n’importe lequel des médiocres.
Il ne peut pas admettre que l’idée même d’individu est une baudruche philosophique. Il ne peut se résoudre à n’être que la résultante de ses déterminations.
Le rebelle possède un libre arbitre !
Il entretien, sous sa cape noire, la flamme vascillante et éternelle de l’humain écrasé sous les oripeaux du Kapital, prêt à mettre le feu à la morne plaine de la banalité du quotidien…[print_link]

Le rebelle est impatient. Il change ses rapports aux autres ici et maintenant. Quand il court cagoulé au contact du bouclier de l’ennemi, son sillage dessine une zone entière qu’il libère.
Quand il vole dans les magasins, c’est la marchandise qui vascille.
Le communisme, c’est tout de suite, dans les flamèches du vieux monde et les fumerolles des deux pneus qu’il a enflammé, quand il fait la vaisselle à son tour, quand il squatte un immeuble abandonné…

Le rebelle pense qu’il va être au centre du changement qui vient. Il croit que ce sont les révolutionnaires font les révolutions.

Le rebelle fait toujours de la morale, Il aime les prolétaires debout et fiers et vomit le capital variable qui rampe, il méprise le prolo qui va au turbin.

En général, le rebelle est dérisoire mais il peut devenir tragique, dans sa forêt bolivienne, au bout de son P38 sur les trottoirs de Paris, Rome ou Berlin, ou quand il arrive à se hisser à la tête d’une révolte qui aboutit…

Le rebelle est souvent un homme mais, même femme, le rebelle a de grosses couilles. Il parle haut et fort. Il préfèrera toujours celui qui sort son gros calibre à celui qui se soumet.
Pour lui, le monde se divise en deux, les pleutres et les guerriers, ceux qui rampent et ceux qui brisent leurs chaines, les veules et les révoltés, le barbare et le fonctionnaire, street fighting man contre quidam.

Le rebelle est au pouvoir ce que la secte est à la religion, un turbulent postulant, un histrion encombrant mais plein d’avenir.

Le rebelle est un militant, il nous montre le chemin. Ad nauseam.

Rimbaud, Jesse James, Guevara, Tony Montana ou Francis Lalanne, on construit les “people” rebelles qu’on mérite mais on se retrouve toujours face à un héros du “si tu veux tu peux”.
Le rebelle est un personnage directement adéquat à l’histoire des Etats Munis.
On ne peut pas lutter contre des individus qui construisent eux même leur destin !

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http://dndf.org/?p=4993
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Anyway
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Re: Textes, Essais, Reflexions..

Message par Anyway »

The Hours, scène de la gare, magnifique scène, qui inclut mot pour mot des morceaux de textes de Virginia Woolf.
"I choose death"
[BBvideo 425,350]http://www.youtube.com/watch?v=4Adzhgvg38Q[/BBvideo]

"If I were thinking clearly
I will tell you that I wrestle alone in the dark
In the deep dark
And that only I can know
Only I can understand my own condition
You live with the threat you tell me
You live with the threat of my extinction
I live with it too" - V. Woolf

"This is my right, this is the right of every human being. I choose not the suffocating anaesthetic of the suburbs, but the violent jolt of the capital, that is my choice. The meanest patient, yes, even the very lowest is allowed some say in the matter of her own prescription, thereby she defines her humanity. I wish for your sake I could be happy in this quietness..." - V. Woolf

"you cannot find peace by avoiding life" - V. Woolf

[spoiler]"I chose life"
[BBvideo 425,350]http://www.youtube.com/watch?v=lNF-uXP_ ... re=related[/BBvideo][/spoiler]
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Anachronie
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Re: Textes, Essais, Reflexions..

Message par Anachronie »

Ce film a chaque fois que je le vois je comprends quelque chose que je n'avais pas compris avant. Pas une fois où je pleure pas en le voyant.
The Hours est sans contexte le film où je me retrouve le plus.

Sincèrement, je le conseille à tout le monde.

Et je parle pas des actrices.

Néanmoins, je vous conseille de lire le bouquin aussi. Aussi touchant que le film si pas encore plus.
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Anyway
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Re: Textes, Essais, Reflexions..

Message par Anyway »

Conférence de Michel Serres - Les nouvelles technologies - révolution culturelle et cognitive

On croise de tout sur le net, et comme j'aime bien ça, je vous fais partager. Puis je prends des cours chez un programmateur ("oui, programmeur, c'pareil" -ceci est un clin dœil) carrément génial (M.!) depuis ce soir, alors il fallait bien que je lui fasse honneur en prouvant que je m'intéressais vraiment à l'informatique. Bonne écoute de Michel Serres, cet homme est un véritable distributeur de nutriments à réflexion.
(la vidéo est bien découpée. 1- intro. / 7- conclusion de la conférence.)

[BBvideo 425,350]http://www.youtube.com/watch?v=_IycDx5O ... r_embedded[/BBvideo]
Michel Serres 2
Michel Serres 3
Michel Serres 4
Michel Serres 5
Michel Serres 6

[BBvideo 425,350]http://www.youtube.com/watch?v=FJYaeprw ... r_embedded[/BBvideo]

Et là, suite à cette conclusion splendide, envie de sourire. D'un grand sourire.
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VomiCornFlakes
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Message par VomiCornFlakes »

Paul Lafargue

La religion du Capital

2. Le catéchisme des travailleurs

http://www.marxists.org/francais/lafarg ... igion2.htm

DEMANDE. – Quel est ton nom ?

RÉPONSE. – Salarié.

D. – Que sont tes parents ?

R. – Mon père était salarié ainsi que mon grand-père et mon aïeul ; mais les pères de mes pères étaient serfs et esclaves. Ma mère se nomme Pauvreté.

D. – D'où viens-tu, où vas-tu ?

R. – Je viens de la pauvreté et je vais à la misère, en passant par l'hôpital, où mon corps servira de champ d'expériences aux médicaments nouveaux et de sujet d'études aux docteurs qui soignent les privilégiés du Capital.

D. – Où es-tu né ?

R. – Dans une mansarde, sous les combles d'une maison que mon père et ses camarades de travail avaient bâtie.

D. – Quelle est ta religion ?

R. – La religion du Capital.

D. – Quels devoirs t'impose la religion du Capital ?

R. – Deux devoirs principaux : le devoir de renonciation et le devoir de travail.

Ma religion m'ordonne de renoncer à mes droits de propriété sur la terre, notre mère commune, sur les richesses de ses entrailles, sur la fertilité de sa surface, sur sa mystérieuse fécondation par la chaleur et la lumière du soleil ; - elle m'ordonne de renoncer à mes droits de propriété sur le travail de mes mains et de mon cerveau ; – elle m'ordonne encore de renoncer à mon droit de propriété sur ma propre personne ; du moment que je franchis le seuil de l'atelier, je ne m'appartiens plus, je suis la chose du maître. Ma religion m'ordonne de travailler depuis l'enfance jusqu'à la mort, de travailler à la lumière du soleil et à la lumière du gaz, de travailler le jour et la nuit, de travailler sur terre, sous terre et sur mer; de travailler partout et toujours.

D. – T'impose-t-elle d'autres devoirs ?

R. – Oui. De prolonger le carême pendant toute l'année ; de vivre de privations, ne contentant ma faim qu'à moitié ; de restreindre tous les besoins de ma chair et de comprimer toutes les aspirations de mon esprit.

D. – T'interdit-elle certaine nourriture ?

R. – Elle me défend de toucher au gibier, à la volaille, à la viande de bœuf de première, de deuxième et de troisième qualité, de goûter au saumon, au homard, aux poissons de chair délicate ; elle me défend de boire le vin naturel, de l'eau-de-vie de vin et du lait tel qu'il sort du pis de la vache.

D. – Quelle nourriture te permet-elle ?

R. – Le pain, les pommes de terre, les haricots, la morue, les harengs saurs, les rebuts de boucherie, la viande de vache, de cheval, de mulet et la charcuterie. Pour remonter rapidement mes forces épuisées, elle me permet de boire du vin falsifié, de l'eau-de-vie de pommes de terre et du casse-poitrine de betterave.

D. – Quels devoirs t'impose-t-elle envers toi-même ?

R. – De rogner mes dépenses ; de vivre dans la saleté et la vermine ; de porter des habits déchirés, rapiécés, reprisés ; de les user jusqu'à la corde, jusqu'à ce qu'ils tombent en guenilles, de marcher sans bas, dans des souliers percés, qui boivent l'eau sale et glaciale des rues.

D. – Quels devoirs t'impose-t-elle envers ta famille ?

R. – D'interdire à ma femme et à mes filles toute coquetterie, toute élégance et tout raffinement ; de les couvrir d'étoffes communes, juste assez pour ne pas choquer la pudeur du sergot ; de leur apprendre à ne pas grelotter en hiver sous des cotonnades et à ne pas suffoquer en été dans les galetas ; d'inculquer à mes petits-enfants les sacrés principes du travail, afin qu'ils puissent, dès le bas âge, gagner leur subsistance et n'être pas à la charge de la société ; de leur enseigner à se coucher sans souper et sans lumière, et de les accoutumer à la misère qui est leur lot dans la vie.

D. – Quels devoirs t'impose-t-elle envers la société ?

R. – D'accroître la fortune sociale par mon travail d'abord, par mon épargne ensuite.

D. – Que t'ordonne-t-elle de faire de tes économies ?

R. – De les porter aux caisses d'épargne de l'État pour qu'elles servent à combler les déficits du budget [*] ou de les confier aux sociétés fondées par les philanthropes de la finance pour qu'ils les prêtent à nos patrons. Nous devons toujours mettre nos économies à la disposition de nos maîtres.

D. – Te permet-elle de toucher à ton épargne ?

R. – Le moins souvent possible ; elle nous recommande de ne pas insister quand l'État refuse de la rendre [**] et de nous résigner quand les philanthropes de la finance devançant nos demandes, nous annoncent que nos économies se sont dissipées en fumée.

D. – As-tu des droits politiques ?

R. – Le Capital m'accorde l'innocente distraction d'élire les législateurs qui forgent des lois pour nous punir ; mais il nous défend de nous occuper de politique et d'écouter les socialistes.

D. – Pourquoi ?

R. – Parce que la politique est le privilège des patrons, parce que les socialistes sont des coquins qui nous pillent et nous trompent. Ils nous disent que l'homme qui ne travaille pas ne doit pas manger, que tout appartient aux salariés parce qu'ils ont produit tout, que le patron est un parasite à supprimer. La sainte religion du Capital nous apprend, au contraire, que le gaspillage des riches crée le travail qui nous donne à manger; que les riches entretiennent les pauvres ; que s'à n'y avait plus de riches, les pauvres périraient. Elle nous enseigne encore à n'être pas assez bêtes pour croire que nos femmes et nos filles sauraient porter les soieries et les velours qu'elles tissent, elles qui ne veulent se parer que de méchantes cotonnades, et que nous ne saurions boire les vins naturels et manger les bons morceaux, nous qui sommes habitués à la vache enragée et aux boissons fraudées.

D. – Qui est ton Dieu ?

R. – Le Capital.

D. – Est-il de toute éternité ?

R. – Nos prêtres les plus savants, les économistes officiels, disent qu'il a existé depuis le commencement du monde ; comme il était tout petit alors, Jupiter, Jéhovah, Jésus et les autres faux Dieux ont régné à sa place et en son nom ; mais depuis l'an 1500 environ il grandit et ne cesse de grandir en masse et en puissance; aujourd'hui il domine le monde.

D. – Ton Dieu est-il tout-puissant ?

R. – Oui. Sa possession donne tous les bonheurs de la terre. Quand il détourne sa face d'une famille et d'une nation, elles végètent dans la misère et la douleur. La puissance du Dieu-Capital grandit à mesure que sa masse s'accroît tous les jours il conquiert de nouveaux pays tous les jours il grossit le troupeau de salariés qui, leur vie durant, sont consacrés à augmenter sa masse.

D. – Quels sont les élus de Dieu-Capital ?

R. – Les patrons, les capitalistes, les rentiers.

D. – Comment le Capital, ton Dieu, te récompense-t-il ?

R. – En me donnant toujours et toujours du travail, à moi, à ma femme et à mes tout petits enfants !

D. – Est-ce là ton unique récompense ?

R. – Non. Dieu nous autorise à satisfaire notre faim en savourant des yeux les appétissants étalages de viandes et de provisions que nous n'avons jamais goûtées, que nous ne goûterons jamais et dont se nourrissent les élus et les prêtres sacrés. Sa bonté nous permet de réchauffer nos membres que le froid engourdit, en regardant les chaudes fourrures et les draps épais dont se couvrent les élus et les prêtres sacrés. Elle nous accorde encore le délicat plaisir de réjouir nos yeux en contemplant passer en voiture sur les boulevards et les places publiques, la tribu sainte des rentiers et des capitalistes luisants, dodus, pansus, cossus, environnés d'une tourbe de valets galonnés et de courtisanes peintes et teintes. Nous nous enorgueillissons alors en songeant que si les élus jouissent des merveilles dont nous sommes privés, elles sont l'œuvre de nos mains et de nos cerveaux.

D. – Les élus sont-ils d'une autre race que toi ?

R. – Les capitalistes sont pétris du même argile que les salariés ; mais ils ont été choisis entre des milliers et des millions.

D. – Qu'ont-ils fait pour mériter cette élévation ?

R. – Rien. Dieu prouve sa toute-puissance en déversant ses faveurs sur celui qui ne les a point gagnées.

D. – Le Capital est donc injuste ?

R. – Le Capital est la justice même ; mais sa justice dépasse notre faible entendement. Si le Capital était obligé d'accorder sa grâce à ceux qui la méritent, il ne serait point libre, sa puissance aurait des bornes. Le Capital ne peut affirmer sa toute-puissance qu'en prenant ses élus, les patrons et les capitalistes, dans le tas des incapables, des fainéants et des vauriens.

D. – Comment ton Dieu te punit-il ?

R. – En me condamnant au chômage ; alors je suis excommunié ; on m'interdit la viande, le vin et le feu. Nous mourons de faim, ma femme et mes enfants.

D. – Quelles sont les fautes que tu dois commettre pour mériter l'excommunication du chômage ?

R. – Aucune. Le bon plaisir du Capital décrète le chômage sans que notre faible intelligence puisse en saisir la raison.

D. – Quelles sont tes prières ?

R. – Je ne prie point avec des paroles. Le travail est ma prière. Toute prière parlée dérangerait ma prière efficace qui est le travail, la seule prière qui plaise, parce qu'elle est la seule utile, la seule qui profite au Capital, la seule qui crée de la plus-value.

D. – Où pries-tu ?

R. – Partout : sur mer, sur terre et sous terre, dans les champs, dans les mines, dans les ateliers et dans les boutiques.

Pour que notre prière soit accueillie et récompensée, nous devons déposer aux pieds du Capital notre volonté, notre liberté et notre dignité.

Au son de la cloche, au sifflement de la machine nous devons accourir ; et, une fois en prière, nous devons, ainsi que des automates, remuer bras et jambes, pieds et mains, souffler et suer, tendre nos muscles et épuiser nos nerfs.

Nous devons être humbles d'esprit, supporter docilement les emportements et les injures du maître et des contremaîtres, car ils ont toujours raison, même lorsqu'ils nous paraissent avoir tort.

Nous devons remercier le maître quand il rogne le salaire et prolonge la journée de travail ; car tout ce qu'il fait est juste et pour notre bien. Nous devons être honorés quand le maître et ses contremaître caressent nos femmes et nos filles, car notre Dieu, le Capital, leur octroie le droit de vie ou de mort sur les salariés ainsi que le droit de cuissage sur les salariées.

Plutôt que de laisser une plainte s'échapper de nos lèvres, plutôt que de permettre à la colère de faire bouillonner notre sang, plutôt que de jamais nous mettre en grève, plutôt que de nous révolter, nous devons endurer toutes les souffrances, manger notre pain couvert de crachats et boire notre eau souillée de boue; car pour châtier notre insolence, le Capital arme le maître de canons et de sabres, de prisons et de bagnes, de la guillotine et du peloton d'exécution.

D. – Recevras-tu une récompense après la mort ?

R. – Oui, une bien grande. Après la mort, le Capital me laissera m'asseoir et me délasser. Je ne souffrirai plus ni du froid, ni de la faim ; je n'aurais plus à m'inquiéter ni du pain du jour, ni du pain du lendemain. je jouirai du repos éternel de la tombe.


Notes

[*] Le catéchisme fait allusion à des faits qui se passent en France, mais que, sans doute, ses rédacteurs désireraient voir se généraliser dans les autres pays. Les sommes déposées dans les caisses d'épargne ont été employées à liquider la dette flottante, qui s'élevait à douze cents millions de francs ; tous les ans les excédents des sorties sur les rentrées des caisses d'épargne servent, comme dit le catéchisme, à combler les déficits du budget. M. Beaulieu signalait le danger que présentait cette situation, l'État pourrait être mis en faillite par les déposants venant réclamer leur argent. Je ferai remarquer le caractère vraiment international du catéchisme capitaliste, qui formule les devoirs et les droits des prolétaires sans distinction de pays et de race.

[**] Le fait est arrivé déjà en 1848 ; les rédacteurs prévoient qu'il se répétera encore et veulent y préparer les ouvriers épargnistes.
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VomiCornFlakes
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Message par VomiCornFlakes »

Comme un chien enragé

Lettre anonyme d’un détenu de la prison de la Santé sur les conditions de détention et sur la prison en général
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Meth en psychose
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Message par Meth en psychose »

[tabs][tabs:la chanson]La poésie contemporaine ne chante plus... Elle rampe
Elle a cependant le privilège de la distinction...
Elle ne fréquente pas les mots mal famés... elle les ignore
On ne prend les mots qu'avec des gants : à "menstruel" on préfère "périodique", et l'on va répétant qu'il est des termes médicaux qui ne doivent pas sortir des laboratoires et du Codex.

Le snobisme scolaire qui consiste, en poésie, à n'employer que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baisemain.

Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresse.
Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, mais la poésie qui illustre le mot.

Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s'ils ont leur compte de pieds, ne sont pas des poètes, ce sont des dactylographes.

Le poète d'aujourd'hui doit être d'une caste, d'un parti ou du Tout-Paris.
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé.

La poésie est une clameur. Elle doit être entendue comme la musique.
Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie, n'est pas finie. Elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale, tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche.

L'embrigadement est un signe des temps.
De notre temps

Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes.
Les sociétés littéraires c'est encore la Société.
La pensée mise en commun est une pensée commune.

Mozart est mort seul,
Accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes.
Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes.
Ravel avait dans la tête une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique.
Beethoven était sourd.
Il fallut quêter pour enterrer Béla Bartok.
Rutebeuf avait faim.
Villon volait pour manger.
Tout le monde s'en fout...

L'Art n'est pas un bureau d'anthropométrie !

La Lumière ne se fait que sur les tombes...

Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien d'épique
La musique se vend comme le savon à barbe.
Pour que le désespoir même se vende il ne reste qu'à en trouver la formule.
Tout est prêt :
Les capitaux
La publicité
La clientèle
Qui donc inventera le désespoir ?

Avec nos avions qui dament le pion au soleil,
Avec nos magnétophones qui se souviennent de "ces voix qui se sont tues",
Avec nos âmes en rade au milieu des rues,
Nous sommes au bord du vide,
Ficelés dans nos paquets de viande,
A regarder passer les révolutions

N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la Morale,
C'est que c'est toujours la Morale des autres.

Les plus beaux chants sont des chants de revendications
Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations.

A L'ÉCOLE DE LA POÉSIE ON N'APPREND PAS
ON SE BAT ! [tabs:le texte] La poésie contemporaine ne chante plus. Elle rampe. Elle a cependant le privilège de la distinction, elle ne fréquente pas les mots mal famés, elle les ignore. Cela arrange bien des esthètes que François Villon ait été un voyou. On ne prend les mots qu'avec des gants: à "menstruel" on préfère "périodique", et l'on va répétant qu'il est des termes médicaux qui ne doivent pas sortir des laboratoires ou du codex. Le snobisme scolaire qui consiste à n'employer en poésie que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baise-main. Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse. Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, c'est la poésie qui illustre le mot.

L'alexandrin est un moule à pieds. On n'admet pas qu'il soit mal chaussé, traînant dans la rue des semelles ajourées de musique. La poésie contemporaine qui fait de la prose en le sachant, brandit le spectre de l'alexandrin comme une forme pressurée et intouchable. Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s'ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes: ce sont des dactylographes. Le vers est musique; le vers sans musique est littérature. Le poème en prose c'est de la prose poétique. Le vers libre n'est plus le vers puisque le propre du vers est de n'être point libre. La syntaxe du vers est une syntaxe harmonique - toutes licences comprises. Il n'y a point de fautes d'harmonie en art; il n'y a que des fautes de goût. L'harmonie peut s'apprendre à l'école. Le goût est le sourire de l'âme; il y a des âmes qui ont un vilain rictus, c'est ce qui fait le mauvais goût. Le Concerto de Bela Bartok vaut celui de Beethoven. Qu'importe si l'alexandrin de Bartok a les pieds mal chaussés, puisqu'il nous traîne dans les étoiles! La Lumière d'où qu'elle vienne EST la Lumière...

En France, la poésie est concentrationnaire. Elle n'a d'yeux que pour les fleurs; le contexte d'humus et de fermentation qui fait la vie n'est pas dans le texte. On a rogné les ailes à l'albatros en lui laissant juste ce qu'il faut de moignons pour s'ébattre dans la basse-cour littéraire. Le poète est devenu son propre réducteur d'ailes, il s'habille en confection avec du kapok dans le style et de la fibranne dans l'idée, il habite le palier au-dessus du reportage hebdomadaire. Il n'y a plus rien à attendre du poète muselé, accroupi et content dans notre monde, il n'y a plus rien à espérer de l'homme parqué, fiché et souriant à l'aventure du vedettariat.
Le poète d'aujourd'hui doit être d'une caste, d'un parti ou du Tout-Paris.
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé. Enfin, pour être poète, je veux dire reconnu, il faut "aller à la ligne". Le poète n'a plus rien à dire, il s'est lui-même sabordé depuis qu'il a soumis le vers français aux diktats de l'hermétisme et de l'écriture dite "automatique". L'écriture automatique ne donne pas le talent. Le poète automatique est devenu un cruciverbiste dont le chemin de croix est un damier avec des chicanes et des clôtures: le five o'clock de l'abstraction collective.

La poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie; elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche. Il faut que l'oeil écoute le chant de l'imprimerie, il faut qu'il en soit de la poésie lue comme de la lecture des sous-titres sur une bande filmée: le vers écrit ne doit être que la version originale d'une photographie, d'un tableau, d'une sculpture.
Dès que le vers est libre, l'oeil est égaré, il ne lit plus qu'à plat; le relief est absent comme est absente la musique. "Enfin Malherbe vint..." et Boileau avec lui... et toutes les écoles, et toutes les communautés, et tous les phalanstères de l'imbécillité! L'embrigadement est un signe des temps, de notre temps. Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes. Les sociétés littéraires sont encore la Société. La pensée mise en commun est une pensée commune. Du jour où l'abstraction, voire l'arbitraire, a remplacé la sensibilité, de ce jour-là date, non pas la décadence qui est encore de l'amour, mais la faillite de l'Art. Les poètes, exsangues, n'ont plus que du papier chiffon, les musiciens que des portées vides ou dodécaphoniques - ce qui revient au même, les peintres du fusain à bille. L'art abstrait est une ordure magique où viennent picorer les amateurs de salons louches qui ne reconnaîtront jamais Van Gogh dans la rue... Car enfin, le divin Mozart n'est divin qu'en ce bicentenaire!
Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes. Qu'importe! Aujourd'hui le catalogue Koechel est devenu le Bottin de tout musicologue qui a fait au moins une fois le voyage à Salzbourg! L'art est anonyme et n'aspire qu'à se dépouiller de ses contacts charnels. L'art n'est pas un bureau d'anthropométrie. Les tables des matières ne s'embarrassent jamais de fiches signalétiques... On sait que Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes, que Beethoven était sourd, que Ravel avait une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique, qu'il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok, on sait que Rutebeuf avait faim, que Villon volait pour manger, que Baudelaire eut de lancinants soucis de blanchisseuse: cela ne représente rien qui ne soit qu'anecdotique. La lumière ne se fait que sur les tombes.

Avec nos avions qui dament le pion au soleil, avec nos magnétophones qui se souviennent de "ces voix qui se sont tues", avec nos âmes en rade au milieu des rues, nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande, à regarder passer les révolutions. Le seul droit qui reste à la poésie est de faire parler les pierres, frémir les drapeaux malades, s'accoupler les pensées secrètes.

Nous vivons une époque épique qui a commencé avec la machine à vapeur et qui se termine par la désintégration de l'atome. L'énergie enfermée dans la formule relativiste nous donnera demain la salle de bains portative et une monnaie à piles qui reléguera l'or dans la mémoire des westerns... La poésie devra-t-elle s'alimenter aux accumulateurs nucléaires et mettre l'âme humaine et son désarroi dans un herbier?
Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien d'épique. A New York le dentifrice chlorophylle fait un pâté de néon dans la forêt des gratte-ciel. On vend la musique comme on vend le savon à barbe. Le progrès, c'est la culture en pilules. Pour que le désespoir même se vende, il ne reste qu'à en trouver la formule. Tout est prêt: les capitaux, la publicité, la clientèle. Qui donc inventera le désespoir?
Dans notre siècle il faut être médiocre, c'est la seule chance qu'on ait de ne point gêner autrui. L'artiste est à descendre, sans délai, comme un oiseau perdu le premier jour de la chasse. Il n'y a plus de chasse gardée, tous les jours sont bons. Aucune complaisance, la société se défend. Il faut s'appeler Claudel ou Jean de Létraz, il faut être incompréhensible ou vulgaire, lyrique ou populaire, il n'y a pas de milieu, il n'y a que des variantes. Dès qu'une idée saine voit le jour, elle est aussitôt happée et mise en compote, et son auteur est traité d'anarchiste.

Divine Anarchie, adorable Anarchie, tu n'es pas un système, un parti, une référence, mais un état d'âme. Tu es la seule invention de l'homme, et sa solitude, et ce qui lui reste de liberté. Tu es l'avoine du poète.
A vos plumes poètes, la poésie crie au secours, le mot Anarchie est inscrit sur le front de ses anges noirs; ne leur coupez pas les ailes! La violence est l'apanage du muscle, les oiseaux dans leurs cris de détresse empruntent à la violence musicale. Les plus beaux chants sont des chants de revendication. Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations. A l'école de la poésie, on n'apprend pas: on se bat.
Place à la poésie, hommes traqués! Mettez des tapis sous ses pas meurtris, accordez vos cordes cassées à son diapason lunaire, donnez-lui un bol de riz, un verre d'eau, un sourire, ouvrez les portes sur ce no man's land où les chiens n'ont plus de muselière, les chevaux de licol, ni les hommes de salaires.
N'oubliez jamais que le rire n'est pas le propre de l'homme, mais qu'il est le propre de la Société. L'homme seul ne rit pas; il lui arrive quelquefois de pleurer.
N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres.
Je voudrais que ces quelques vers constituent un manifeste du désespoir, je voudrais que ces quelques vers constituent pour les hommes libres qui demeurent mes frères un manifeste de l'espoir.[/tabs]
Aimer, ce n'est pas dire "Je te fais confiance, je sais que tu ne me feras jamais mal" mais "Je préfère avoir mal de ta part que de celle d'un(e) autre"

Demain est un cercueil, hier un vomissement d'entrailles.
Aujourd'hui, c'est soi.
Lapin Blanc

Re: Textes, Essais, Reflexions..

Message par Lapin Blanc »

Métempsychose a écrit :
ABBC3_SPOILER_SHOW


Oh putain, merci, ça fait tellement longtemps que j'attendais de lire ça.
Source ?
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Meth en psychose
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Re: Textes, Essais, Reflexions..

Message par Meth en psychose »

Préface à poètes, vos papiers, Léo ferré.
La chanson: préface.
Aimer, ce n'est pas dire "Je te fais confiance, je sais que tu ne me feras jamais mal" mais "Je préfère avoir mal de ta part que de celle d'un(e) autre"

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Anyway
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Re: Textes, Essais, Reflexions..

Message par Anyway »

Oui, ou le début de mon vide-sac. Bande d'aveugles voleurs.
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