JCRomand, ou quand le mensonge vous rend victime et coupable

Soit pour un flood constructif (comment ça n'existe pas?)

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DizzyDance
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JCRomand, ou quand le mensonge vous rend victime et coupable

Message par DizzyDance »

S'il y a une affaire de mensonge systématique qui tourne mal, si l'effondrement comme un château de cartes d'une double vie construite depuis des années est emblématique, alors, oui, le cas de Jean-Claude Romand est exemplaire.

Cachant à tous qu'il n'a pas terminé ses études de médecine, vivant sur l'argent des autres, sa peur d'être démasqué lui a fait commettre l'irréparable.

Il y a tout d'abord le film, romancé, adaptation très fidèle du livre-roman écrit à son sujet, "L'Adversaire". Vendu en DVD et trouvable probablement en streaming.

Ensuite, le reportage, qui colle plus à la réalité des faits, "Jean-Claude Romand - Le Roman D'un Menteur"

[BBvideo 425,350]http://www.youtube.com/watch?v=flKjEPTJ7t0[/BBvideo]

Puis, un "Faites entrer l'accusé" du 3 décembre 2006

[BBvideo 425,350]http://www.youtube.com/watch?v=KPl00dmbl_M[/BBvideo]

Et enfin, un témoignage d'un codétenu en prison ici: http://www.francesoir.fr/actualite/fait ... 15930.html

J'attends vos réactions...
Le combat, c'est aussi ça, poser des gestes au quotidien pour non seulement reculer l'échéance, mais, à travers ce genre de petites victoires, vivre.
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Anyway
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Re: JCRomand, ou quand le mensonge vous rend victime et coup

Message par Anyway »

J'ai commencé à visionner la première vidéo et ai lu l'article. Je continuerai plus tard.
Pression - sociale et individuelle. Qui fait vivre une non-vie. Il devait toujours avoir l'impression d'être à côté de lui-même.
A moindre échelle, nous pouvons tous nous représenter le malaise qu'il y a à se draper d'un masque. Sans même parler des conséquences criminelles qui ont suivies, ces méandres dans lesquelles on l'imagine s'enfonçant sont une horreur.
Je le plains tout autant que l'entourage, différemment.

A-t-il été posé un diagnostique psychiatrique autre que le mensonge, a posteriori, sur ses manœuvres ? Ou est-ce considéré par les médecins / juges comme un désert dans lequel il s'est enlisé absolument consciemment et avec la possibilité psychique de revenir sur ses fabulations ? Au regard de la peine, il semble que les juges aient retenu la pleine responsabilité, n'est-ce pas ? Comment juger d'un tel crime qui s'effectue contre soi-même tout autant qu'en tant que traîtrise de l'entourage et de la société ?
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DizzyDance
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Re: JCRomand, ou quand le mensonge vous rend victime et coup

Message par DizzyDance »

Je ne sais pas, mais tout dans l'article fait penser à une dissociation, et en tout cas dans la première vidéo que j'ai visionnée de bout en bout, certains indices et certains témoignages pourraient le faire penser.

Ça me fait aussi penser à ce jeu: on met un € aux enchères pour 5 centimes d'euro prix de base. Le gagnant a l'euro, la deuxième enchère doit quand même payer le prix et elle ne reçoit pas l'euro. C'est ainsi que l'on se retrouve, si on n'a pas le courage de briser le cercle vicieux, à payer un euro 10 euros voire plus...

Le problème, c'est que, dans cet exemple comme dans le cas de Romand, il n'y a pas qu'une personne dans le système, tout le monde ayant des attentes, des espérances. Et c'est des vies, ici, que l'on met aux enchères dans cette infernale fuite en avant.

Plusieurs personnes, un coupable. Ce qui est juridiquement et factuellement vrai. Mais ma sensibilité me pousse à reconsidérer la question différemment.
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Mélancolie
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Re: JCRomand, ou quand le mensonge vous rend victime et coup

Message par Mélancolie »

Tu dérive là Dizzy. Attends, tu voudrais rendre responsables ceux qui ont été escroqués, trahi, manipulés ? Parce que c'est bien de ça dont il s'agit : de la manipulation. Et pour avoir été prise dans ses filets un nombre de fois... incomptable : crois moi, c'est pas à eux que l'on doit en vouloir. Quand la manipulation est aussi bien faite, personne ne peux prétendre être plus fort qu'elle.

J'ai regardé le premier documentaire en entier, lu l'article, puis regardé la moitié du deuxième docu. Pour mon avis, il ne s'agit pas de dissociation. J'aurais plutôt tablé sur un jeune homme qui avait une pression de fou sur lui depuis déjà tout gosse, qui au moindre balbutiement d'échec sur cette voie que l'on avait brillamment tracée pour lui... craque, tout simplement. Pête un plomb et commence un mensonge, puis un autre, puis d'autres encore, entraîné dans la spirale, et qui rapidement arrive à un stade où le retour en arrière est impossible... parce qu'il culpabilise (rappelle toi, ses signes d'anxiété manifestent, sa prise de distance les derniers mois avant l'irréparable). Il ne voit, au bout de 15 ans, strictement aucune issue qui lui soit un tant peu soit peu supportable (prison, perte de sa famille qu'il aimait, endettement...).
Ouais, je peux comprendre le geste, ouais. ça n'en reste pas moins un coupable hein. Mais même si manifestement ce type a des problèmes psychiatriques, il ne peut être déresponsabilisé, du moins totalement, de ses actes.

Après, toussa, c'est mon avis perso quoi.
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Chaque personne qu'on s'autorise à aimer est quelqu'un qu'on prend le risque de perdre.
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DizzyDance
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Re: JCRomand, ou quand le mensonge vous rend victime et coup

Message par DizzyDance »

Je ne dis pas qu'il n'est pas responsable. Et je ne dis pas que les autres sont responsables. Mais cette fuite en avant qui constitue toute sa vie n'a-t-elle pas été favorisée par les autres, qui jugeaient sa réussite comme simplement normale, attendue? Et c'est justement le problème, cette attente implicite, cette contrainte non dite de réussite qui renforce le personnage qu'il s'est fabriqué.

Il y a système.

Bien que le seul investigateur de toute cette dérive est lui sans aucune autre personne.

La notion de système et de patient désigné donne un éclairage particulier sur les évènements qui ont frappé deux familles. Il est bien entendu crucial de se demander si ces deux outils sont pertinents et probants.
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NightOwl
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Re: JCRomand, ou quand le mensonge vous rend victime et coup

Message par NightOwl »

Étudier tellement, avoir autant de pression de ses proches qui te rappellent tout les jours où tu es, qu'à chaque repas , la seule chose à dire sur toi ce sont tes études, c'est sur que lorsqu'on voit que la porte se refermer on essaie de la tenir pour éviter de lacher ses reves et eviter le regard des autres.

Ca ne justifie pas 15 ans de mensonge mais au moins ca peut justifier pourquoi il n'a pas voulu arrêter.
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Anyway
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Re: JCRomand, ou quand le mensonge vous rend victime et coup

Message par Anyway »

Beaucoup d'éclairages dans la seconde partie de la seconde vidéo (à partir de 00:41:30 environ).
Intervient le terme d'enfant très brillant, voire "surdoué", dont on attend tout. Dont on se croit en droit de tout attendre. Et c'est là que se situe la pression première (au sens chronologique mais peut-être aussi hiérarchique).

Anyway a écrit :A-t-il été posé un diagnostique psychiatrique autre que le mensonge, a posteriori, sur ses manœuvres ? Ou est-ce considéré par les médecins / juges comme un désert dans lequel il s'est enlisé absolument consciemment et avec la possibilité psychique de revenir sur ses fabulations ? Au regard de la peine, il semble que les juges aient retenu la pleine responsabilité, n'est-ce pas ? Comment juger d'un tel crime qui s'effectue contre soi-même tout autant qu'en tant que traîtrise de l'entourage et de la société ?
Romand est nommé tout d'abord "mythomane".
Puis "manipulateur", terme qui le responsabilise, probablement permis par son intelligence et le temps immense qu'il avait le loisir de consacrer à des lectures, apprentissages, analyses. Il paraît en effet grand analyseur, froid et insensible (je reprends les termes du premier substitut du procureur de la république et du journaliste de Faites entrer l'accusé - qui m'agace). Mais cette insensibilité n'est-elle pas due justement à l'existence d'une pathologie ?
Enfin (01:18:04), est employé par un psychiatre le terme "narcissique". En effet, contrairement à ses défenseurs qui considèrent qu'il est pris dans un engrenage (01:11:33) : "il n'avait pas le choix" après le premier meurtre de sa femme qui commençait à douter de lui probablement et dont il ne se voit pas annoncer la mort à ses proches, il élimine au fur et à mesure les personnes qui seront déçues de lui etc., etc. Mais l'émission pose alors la question des préparatifs des meurtres, jusqu'au dernier qui n'aura finalement pas lieu. Je trouve l'idée d'un trouble narcissique très intéressante : Romand, si j'ai bien compris, fusionnerait affectivement (je ne sais si le terme est exact) avec ses proches. Ils ne sont pas distants de lui comme des sujets à part entière, mais font partie de lui. Et même, peut-être, font partie des barrières qui l'encastre dans ce personnage qui n'est pas lui. Le chien, dont l'annonce de mort le fait soudain craquer, est peut-être pour lui la seule personne extérieure qu'il tue. Dans le sens où sa femme, ses parents et enfants ne seraient considérés que comme lui-même. Alors, oui, son souvenir lui rappelle certainement l'amour qu'il portait finalement à ses enfants. Mais lorsqu'on évoque le meurtre de ceux-ci, ce n'est pas de ses enfants en tant que tels dont il s'agit, mais de parties de lui-même : il n'a donc pas de "raison" de s'effondrer.
Cela expliquerait également pourquoi se tuer ou s'enfuir ne suffisait pas : laisser en vie ceux qui l'ont aimé, leur laissant le risque de changer leur vision de lui, ce serait s'entacher, se trahir. Il ne peut pas laisser les autres ne plus l'aimer. Et est "soulagé" lorsqu'il est "enfin le vrai Romand", une fois en prison. Pourtant, il ne l'est certainement pas encore tout à fait. Si le problème est pathologique, le psychiatre qui parle à la fin à raison : un assainissement total de sa structure mentale (quoique je ne sais pas si on peut parler de structure perverse tant qu'il n'y a pas psychose) provoquerait probablement un suicide réel, cette fois.

Il y a fuite constante, c'est certain. Fuite de ce qu'on attend de lui, fuite de lui-même et de ses désirs de vie probablement (ah! voilà pourquoi cette histoire me met mal à l'aise, j'ai l'impression de me voir ou en tout cas de voir mes troubles à une échelle funestement plus gigantesque (évidemment, tout de même)). Mais cette fuite n'est pas simplement un engrenage conscient d'un personnage sans pathologie.
Cet homme semble vraiment avoir un trouble de la personnalité narcissique. Développée sur une pression animée par les autres et par lui-même (se prendre pour Dieu parce que les autres nous élèvent à cette illusion et à cette responsabilité, ce qui engendre une croyance en cette puissance, ça n'est pas bénin).


Je ne prends la défense de personne. J'essaie de répondre à mes propres questions de mon premier message.
Être victime d'un tel drame est horrible. Mais cet homme en est probablement aussi victime, de cette immense farce. Ceci-dit, il reste que ce n'est pas facile de juger un tel acte sur le plan juridique, social, médical (éthique ?).
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